Un cousin envahissant | Feat Mahal

La journée était radieuse. Les oiseaux chantaient, les fleurs diffusaient d’agréable parfums, le soleil brillait. Il faisait bon, enfin, pour moi, pour d’autres il devait sûrement faire très chaud. Assis dans un fauteuil confortable sur la terrasse de mon manoir, je fixais d’un œil morne la tonne de pommes que j’avais ramassé dans un verger non loin – bien entendu j’avais payé l’agriculteur qui s’occupait du verger en question, je ne suis pas un voleur ! Et je devais avouer raffoler des pommes au plus au point. Cependant, j’ai eu les yeux plus gros que le ventre lors de la cueillette. Même avec les serviteurs de mon manoir, on n’arriverait pas à liquider le stock avant que cela ne pourrisse. Je poussais un long soupire. C’était une journée des plus calmes, je n’avais pas de rendez-vous ou d’obligation, et je n’étais point férue de cuisines. Je m’ennuyais en d’autres termes.
Alors que je prenais une pomme pour la croquer à pleine dent, j’eus une idée lumineuse. Plus que lumineuse même ! Puisque je n’avais rien à faire, autant aller embêter mes cousins. Et cela tombait bien, il y en avait justement un qui avait élu domicile dans le même royaume que moi. Un sourire carnassier étira mes lèvres alors que, revigoré par cette idée, je bondis de mon fauteuil, prit quelques affaires et un panier de pommes, avant de m’en aller d’un pas de conquérant en direction de la maison close Na’aril du royaume.
Je décidais de marcher plutôt que de prendre un cheval, tout simplement car je voulais aussi profiter de la journée. Je saluais les paysans et autres travailleurs que je croisais sur le chemin. Certains me connaissaient puisqu’ils étaient proches de mon manoir, et plus je m’éloignais et moi je reconnaissais le monde. Cependant, mes habits de noble ne laissaient pas indifférents même pour les parfaits inconnus. J’étais vêtu tout de noir dans un matériau assez léger. Des broderies en or ici et là et une ceinture en lin doré cassé le noir pour rendre l’habillement à la fois simple et élégant. J’avais coiffé mes cheveux en une haute queue de cheval strict, mes longs cheveux allant jusqu’à chatouiller mes hanches malgré la queue de cheval. Et puis je me disais aussi qu’avoir un panier remplit de pommes ne me faisaient pas passer inaperçu non plus. Je préférais largement être discret, sans doute une déformation professionnelle, en tout cas même si les regards me mettaient mal à l’aise je jouais la carte de la courtoisie pour ne rien laisser paraître.
La journée était bien entamée lorsque j’arrivais enfin devant la maison close Na’aril. La bâtisse était très grande et semblait à la fois luxueuse et élégante. L’on pouvait entendre des rires de femmes par les fenêtres ouvertes, simplement cachées par des voiles fins et colorés. On ne pouvait que reconnaître les maisons Na’aril.

J’entrais dans la bâtisse comme si j’en étais le maître, ce qui attira tout de suite l’attention de celui qui devait certainement s’occuper d’attribuer une prostituée à un maître.

« Bienvenu dans la maison Na’aril, monseigneur ! C’est la première fois que je vous vois en ces lieux, quels services souhaitez-vous avoir ? » Il eut un regard vers mon panier de pomme. « Un fétichisme à assouvir ? »
« En effet c’est la première fois que je viens. Je suis Mahal Harrison et je souhaiterai avoir un aperçu de vos, hm, employés masculins avant de me décider. »
« Bien sûr bien sûr ! » L’homme avait l’air nerveux tout d’un coup, sans doute à cause de mon nom, ce qui m’arracha un sourire. « Je vais vous conduire dans un petit salon et faire venir nos meilleurs produits. »

Je le suivis sans broncher jusqu’à une grande salle lumineuse. Un large sofa agrémenté de coussins de différentes tailles étaient posés contre un mur, c’est d’ailleurs là que mon guide m’enjoignit d’attendre. La salle était très belle, bien décorée avec des voiles de couleur ici et là pour donner un air exotique. Un serviteur vint me demander si je voulais un rafraichissement, et sembla quelque peu surpris lorsque je demandais un thé. Sans doute leur client n’avait que peu l’habitude de prendre une boisson… soft.
J’attendis un bon moment avant que des hommes fassent leur entrée dans la salle. Tous assez pauvrement vêtu en termes de quantité de tissu, mais élégamment décoré. Ils vinrent tour à tour devant moi pour se montrer sous toutes les coutures, non sans m’envoyer des regards et sourires langoureux. J’en choisis trois, un métissé, un blond et un roux aux longs cheveux, qui vinrent s’assoir à côté de moi sur le sofa.

J’avais déjà du enlever ma tunique lorsque l’on fut dérangé. Cela m’agaça un peu, après tout je m’amusais bien avec mes nouveaux jouets, mais mon agacement fut remplacer par un sourire narquois lorsque je compris qui venait à ma rencontre et engagea les mondanités.

« Eh bien, je n’avais pas commandé de quatrième dessert… enfin ne dit-on pas que plus on est de fous, plus on rit ? » Mon sourire s’agrandit alors que je me penchais en direction de Roan, mon très cher cousin. Les trois prostitués s’étaient légèrement reculés, surpris de voir le maître des lieux et sans doute étaient-ils également nerveux. « Quel cousin ingrat ferais-je si je ne rendais point visite à un membre de ma famille dans le même royaume que moi voyons ! » Je me tournais alors vers le roux à ma droite, prenant son visage dans ma main pour l’approcher de moi avec un air circonspect. « Et il faut bien que je vois si ta marchandise vaut ce que les rumeurs prétendent. » Je le lâchais, mon regard revenant en direction de Roan. « Je n’aurais point imaginé me faire interrompre par le maître des lieux. Ne dit-on pas que c’est mal élevé ? » J’eus un nouveau sourire, énigmatique cette fois. « Mais c’est là l’occasion pour moi de te proposer ces belles pommes fraichement cueillis ! Ne sont-elles pas magnifiques, bien rouges ? » dis-je en en prenant une dans ma main pour la regarder sur toute sa surface, avant de la diriger vers un de mes jouets pour qu’il y prenne un croc. « Alors, cher cousin, dis-moi donc ce que ton… entreprise à de meilleur. Montres-moi. » Je croquais à mon tour dans la pomme que j’avais si généreusement donné au prostitué, montrant un coussin par terre à Roan pour l’encourager à se mettre à l’aise. Après tout, je voulais plus qu’une simple partie de jambe en l’air. Du spectacle, des massages, quelque chose qui ne me fasse pas perdre mon temps.

( Pando )

Je l’énervais. Même s’il ne le montrait pas, je l’énervais. En même temps, il ne devait pas apprécier qu’un de ses cousins Harrison ne viennent fourrer son nez dans ses affaires. L’avantage, avec mes propres affaires, c’était que peu de Harrison se risqueraient à aller à Béryl pour jauger de mes arènes d’esclaves et de combats. Ce n’était pas assez luxurieux… mais des espions, ça, ils pouvaient m’en envoyer. Un vrai jeu du chat et de la souris. Restait à savoir lequel de nous deux, Roan et moi, étions le chat.
Roan ne se démonta pourtant pas. Cela aurait été bien trop facile et ennuyeux de toute manière. Il s’assit, chose qui m’étonna quelque peu, sur le coussin que je lui avais présenté. Cela faisait un peu comme un esclave suivant les ordres de son maître. A sa place, soit je serais resté debout, soit je me serais trouvé meilleur place. Il faut croire que la luxure, bien que bon pour le corps, réduisait ses facultés mentales. De toute manière, les Na’aril n’étaient pas connu pour leur intelligence – du moins est-ce les rumeurs sur cette branche familiale. Roan devait bien le savoir, qu’il n’était que peu craint de la part de nos cousins, alors il se sentait peut-être en « sécurité » et « libre » de faire ce qu’il veut et manigancer. Ma visite devait lui faire un petit coup de pression. Peut-être qu’en réalité il était plus surveillé qu’il ne le pensait… enfin, ce serait ce que je me dirais à sa place, mais je n’étais pas à sa place – même si je devais bien l’avouer que ces parts de marché étaient les premières que je souhaitais acquérir. Je faisais déjà concurrence aux Rol’ay avec mes assassins, espions et voleurs, si je voulais faire concurrence aux Elhys, il allait me falloir le marché des Na’aril. Donc, mettre Roan hors course. Ce qui, évidemment, ne serait pas si facile. Surtout qu’il était un hybride, donc possiblement avec de la magie puissante… il pourrait me tuer si l’envie l’en prenait. Je préférais mettre cela de côté et me concentrais sur ses paroles.
Il s’assit donc et prit une de mes pommes sans même penser que j’en avais empoisonné quelques unes. J’aurais pu prendre la seule qui était saine dans mon petit lot. Non, vraiment, soit Roan ne se méfiait absolument pas et était un idiot, soit il cachait bien son jeu derrière cette fausse nonchalance. Je n’arrivais pas à le cerner, mais je préférais ne rien en laisser paraitre. Après tout, ce peut très bien être réciproque. Donc, Roan prit une pomme et me présenta ses prostitués, en me donnant même leur prénom – chose qui était plutôt inutile, je préférais encore leur donner des surnoms plutôt qu’un prénom aussi pauvre et laid que ceux qu’ils avaient, qui d’ailleurs n’étaient peut-être pas leur vrai prénom de naissance. Mais, retenant un roulement de yeux, je l’écoutais donc en mâchant tranquillement ma pomme, un vague sourire narquois sur les lèvres à intervalle régulier.
Soudain, il se leva peu de temps après avoir critiquer les compétences du rouquin. Cela me fit hausser un sourcil amusé tandis que je faisais signe aux trois autres de revenir s’assoir près de moi, caressant du bout des doigts le rouquin qui se laissa faire docilement, cachant bien le fait que les propos de Roan l’avaient blessé. Ne savait-il donc pas que gardés des employés fidèles passaient par un bon traitement ?

« N’en déplaise à mon cousin, je suis sûr que tu as tes qualités, » lui susurrais-je à l’oreille. « Tu peux toujours changer d’employeur… »

Le tout fut agrémenté d’un clin d’œil complice, laissant le rouquin à la fois surprit et décontenancé. Roan revint bien vite, chose qui me contraria quelque peu : j’aurais préféré pouvoir profiter de mes acquis sans être interrompus, cette fois. Bref. Le Na’aril ne revint pas les mains vides puisqu’il m’apporta un autre être de sa collection : un elfe. Je le détaillais sous toutes les coutures alors que Roan me vantait ses performances, et je ne pus esquisser un sourire moqueur.

« Sans vouloir t’offenser, je préfère utiliser ceux qui sont encore… propres. » Petit sourire sarcastique. « Mais dis moi, tu te sens bien ? Que je saches si l’aphrodisiaque dans les pommes fait son petit effet. » Un clin d’œil narquois et un croc dans ma pomme. En réalité il n’y avait pas d’aphrodisiaque dans la pomme, mais je jouais sur la psychologie et sur le fait que ma visite surprise suffise à le décontenancée et à le rendre un peu paranoïaque. Surtout qu’il n’était point caché qu’avec Hermit nous songions à étendre nos commerces sur les drogues et autres poisons.  « Tout de même… tes employés ne sont-ils bon qu’à satisfaire les clients de façon sexuel ? Il ne s’agit pas que de performances, mais aussi d’esthétique. J’espère que je ne t’apprends pas ton métier quand même ! J’aimerais de beaux atours, de la belle musique, une ambiance tamisée et de la danse sensuelle. Est-ce que ton commerce possède cette… compétence, ou dois-je aller voir si les Elhys sont meilleurs que les Na’aril ? »

( Pando )

Avais-je fais mouche ? Mentionner nos très chers cousins les Elhys fut tout à fait délibéré. Tout comme les Rol’ay et les Keywan étaient en intime rivalité et conflit, cela allait de soi entre les Elhys et les Na’aril. Quel rapport entre des organisateurs et des maisons closes me direz-vous ! Les festivités, l’opulence, le spectacle, ou bien encore le plaisir... oui, ils avaient tout pour ne pas s’entendre. Les Na’aril n’étaient pas mes concurrents directs, je m’occupais déjà de concurrencer les Rol’ay sur certains points de leur commerce et je gagnais du terrain au fur et à mesure. Avoir un jumeau caché qui se faisait passer pour soi était un avantage certain dans ce conflit. Du coup, j'étais simplement là car j’avais envie de nouveauté - surtout sachant qu’il était fort possible que l’on finisse par ouvrir des bordels - et aussi, je l’avoue, pour faire chier mon adorable cousin à la peau violacée comme s’il était recouvert par les suçons de ses prostitués, lui qui semblait un peu trop tranquille à couvert dans sa petite maison dans la prairie.

Tout ça pour dire que j’avais senti que j’avais touché un point sensible, bien qu’il n’en laisse rien paraître. Roan passa donc finalement à l'action pour me montrer un peu de spectacle, chose attendue depuis un bout de temps maintenant, ce malgré les multiples perches que je lui avais tendu et qu’il ne sembla pas vouloir prendre, lui qui semblait si bien tourné vers la gente masculine. Alors, soit il était complètement idiot, soit il avait fait exprès en espérant me voir partir le plus vite possible. Je préférais la première option, étrangement. Elle m'était plus appréciable.

Donc, d’un simple claquement de doigt, les prostitués se mirent en mouvement. Je ne sais guère s’il essayait de m’impressionner avec ce simple geste, en tout cas c'était raté. Le peu d’interêt qu’il démontrait pour le spectacle avait d'ailleurs de quoi dérouter, et je ne pouvais que plaindre les 3 hommes obligés de se complaire pour un maître indifférent. Quelques personnes s'ajoutèrent au spectacle avec majoritairement des instruments à corde et quelques uns à vent afin d’accompagner les danseurs, qui s’exécutèrent docilement.

Je les observais, sirotant mon thé avec quelque fois un bout de pomme, les jambes croisées, ignorant superbement mon cousin qui m’ignorait également, pour focaliser toute mon attention sur le spectacle sensuel qui me faisait face, un sourire apprécierait sur les lèvres. Les trois hommes savaient effectivement s’y faire en matière de danse, cependant j’avais quelques commentaires. Mais alors que je m'apprêtais à prendre la parole, voilà que Roan daigna ouvrir la bouche pour émettre un son autre que des gémissements. Je tournais à peine la tête vers lui, ne lui accordant qu’un regard ennuyé par cette intervention.

« Oh, donc lorsque le maître des lieux n’est pas là, il y a du relâchement ? » Simple commentaire sur le fait que sa présence changeait quelque chose. J’eus un sourire mi narquois mi moqueur. « Ou bien au contraire se sentent-ils plus libres sans ta présence et feraient un meilleur travail ? » Je levais une main dédaigneuse en direction du Na’arll, signe que je n’en souhaitais plus m’adresser à lui pour le moment. A la place, je me tournais vers les prostitués. « Quant à vous, ce fut très bien ! Très excitant, vraiment. Mais, j’ai l’impression que cette chorégraphie est un peu dépassée... Hm. Tentez quelque chose de plus spontané ! Laissez vous emporter par la musique. Vous, les musiciens, laissez-vous également porter par l’ambiance, faites des arrangements, modifiez, vous êtes en quelque sorte les décideurs dans cette danse. Très chers, » repris-je à l’intention des trois hommes. « Je suis sur qu’on peut améliorer cela. N'hésitez pas à faire des enchaînements ensemble, synchro ou non, à vous toucher, à venir me toucher. » J’eus un sourire encourageant. « Oubliez donc que vous êtes surveillez, soyez audacieux. Montrez-moi ! »

La musique reprit légèrement différente. Les musiciens et les prostitués écoutèrent mes conseils et très vite, la pièce sembla baigner dans la testostérone, dans les phéromones, de la sueur perlait délicieusement sur les corps des danseurs tandis que, prenant finalement des initiatives, ils se mirent à danser dans de plus en plus proches, entremêlant leur pas, échangeant de place, pour finalement venir jusqu’à me toucher tout en continuant leurs enchaînements. Je passais ma langue sur mes lèvres, les mains baladeuses, tout en tournant une tête condescendante en direction de Roan.

« Pour un maître des lieux, tu ne prêtes guère attention à tes hommes et ne les aide pas à s’améliorer. Ne sais-tu que profiter sans booster ? Ou bien est-ce que tu n’es que peu doué en danse sensuelle ? Viens donc me montrer que tu vaux plus que cela, cher ami... »

Mordant le lobe de l’oreille du blondinet qui était littéralement sur moi, les autres de chaque côté de moi continuant à danser, se collant à celui du milieu, le sublimant, tandis que j’attendais patiemment et sagement de voir comment réagirait Roan à la provocation.

( Pando )

Eh bien eh bien, jamais je n’aurais pensé que Roan mordrait à l’hameçon. En le voyant se lever promptement et se poster devant moi, donnant des ordres de ci de là, je savais parfaitement que je l’avais touché. Il était plutôt amusant de voir à quel point Roan ne marchait pas face aux piques, il courait carrément. Ce n’était pas désagréable d’ailleurs, étant donné que c’était moi qui le faisais courir. C’est donc avec un sourire amusé que je le regardais donner ses ordres et prendre la parole. Ce qui m’amusa d’autant plus, c’était qu’il allait parfaitement dans mon sens, ou plutôt, dans le sens que je lui montrais. Cela ne faisait pas de lui un chef ou un dirigeant, mais plutôt un mouton. Je disais qu’il ne prêtait guère attention à ses prostitués pour les améliorer, et le voilà qui me fait une petite danse.
C’était… vraiment intéressant. Jusqu’où puis-je le pousser avant qu’il n’en peut plus ? Hm. Curieux, je suis.
Bien calé dans le sofa, je l’observais se déhancher, un sourire narquois sur les lèvres. Il n’était pas mauvais dans le domaine, c’était vrai, mais cela ne l’empêchait pas d’être peu attentif à ses prostitués, puisqu’il a fallu que je le titille à ce sujet pour qu’il daigne donner une leçon. Je me demandais ce qu’en pensaient les trois autres… à leur place, je ne serais pas ravi. Mais, il ne faut pas oublier que la plupart des, hm, « collaborateurs » à l’industrie Na’aril n’étaient pas des têtes pensantes, et plus des suiveurs bien dociles. Et comme pour le moment, je menais la danse – puisque je faisais danser leur dirigeant – ils devaient sans doute eux aussi allé dans le sens que je leur montrais.
Roan dansait donc, se rapprochait, et le voilà qui me touchait. Est-ce que cela me dérangeait ? Hm, non, pas spécialement. Certes nous avions un lien de sang, mais avec les générations derrière nous, ce n’est pas comme si nous étions des cousins proches. Disons plutôt des cousins éloignés. Et il n’était pas rare que des cousins éloignés… s’adonnent à ce genre de chose. Bien que cela reste très mal vu par la société. L’inceste reste de l’inceste. De mon côté, tant que ce n’est pas avec un proche direct, cela ne me dérangeait pas. Entre frères et sœurs, entre enfants et parents, c’était déjà beaucoup plus choquants qu’entre cousins éloignés. Mais, passons. Profitons donc du spectacle.
Puisque Roan se permettait de se déhancher sur moi et de me toucher, je me permettais d’en faire de même, à le toucher au niveau des cuisses et de son torse, comme pour en jauger la valeur, savoir si c’était de la bonne qualité et pas simplement de la viande d’hybride dépassée de 3 semaines.
Je ne saurais dire pourquoi, mais, durant un court instant, la peau de Roan me fit penser à de la betterave. Je préférais mettre cette comparaison de côté, non seulement car elle me donnait faim – j’aimais la betterave – mais aussi car sinon j’allais perdre mon sérieux et lui rire au nez sans aucune raison.
Puis, il s’arrêta, me toisa, et prit la parole.

« Hm… » Je faisais mine de réfléchir, le regardant droit dans les yeux avec un petit sourire, avant de lui prendre le menton dans ma main, de me pencher vers lui, bifurquant jusqu’à son oreille pour lui chuchoter. « Ce n’était pas mal. Mais. Tu n’as pas l’impression que c’est moi qui mène la danse ? » Je m’éloignais, recentrais mon visage pour planter mes yeux verts dans les siens. « Moi, si ! » Je lâchais son menton. « C’était pas mal. Pour une entrée. » Tel un homme obscène, je lui claquais le cul. « Ca donne envie de te manger. » Oui, j’avais littéralement envie de le mordre, histoire de voir s’il avait le gout de la betterave. « Tu as quoi d’autres en réserve ? »

( Pando )

Qu’il était amusant de voir Roan se trémoussait comme l’une de ses prostituées. C’était comme voir un Roi s’habiller en paysan pour aller à la taverne du coin et boire des coups en espérant que sa femme ne l’apprenne jamais. C’était… le faire descendre de son piédestal. Comme si je rabaissais Roan comme un objet, comme l’un de ses prostitués, et le pire dans tout ça, c’était qu’il marchait. Il y avait certainement d’autres façons de prouver qu’on était plus fort que l’autre sans pour autant se rabaisser à jouer le rôle de plus « faibles » que soi. Peut-être n’avait-il pas trouvé sur le moment comment faire ? Après tout, il fallait savoir être réactif dans ces moments-là. Savoir quoi dire, quoi faire, ne pas trop y réfléchir, ne pas laisser de temps mort trop important… oui, peut-être n’était-il tout simplement pas doué pour du tac-o-tac.

La danse a donc été faite telle que je l’avais demandé. Mon sourire satisfait reflétait parfaitement toute la narquoiserie et la sournoiserie de l’instant. Avais-je été excité ? Peut-être un peu, si l’on oubliait que c’était mon cousin et que c’était un hybride. J’avais tout de même mon type d’hommes préférentiels, je ne couchais pas avec le premier venu. La peau violette des hybrides donnait une touche d’exotisme sur le moment, mais je n’irai pas jusqu’à dire que j’en profiterai pleinement. Donc, oui, c’était un plaisir pour les yeux, et sur le coup, gouter à un peu de chaire violette ne serait pas déplaisante, mais pas tout le temps.
Mais alors que je demandais à Roan s’il était capable de plus, le voilà qui me répond « rien ». Sur le coup, lorsque je lui avais posé la question, c’était aussi pour voir s’il allait encore marcher dans mon sens, si j’arrivais encore à le mener par la baguette. Je testais ses réactions. Allait-il finalement me sortir le grand jeu de son chapeau imaginaire ? Allait-il retourner la situation pour me mettre dans l’embarras ? Eh bien, c’était toute la question dans ma question. Et son « rien », quoique quelque peu surprenant sur le coup, ne me laissait qu’un arrière gout amer. Ce « rien » était-il tout ce dont il était capable pour se sortir de ce mauvais pas ?
Il alla s’assoir sur un des coussins dans la salle disposés justement pour que l’on puisse s’y détendre. J’arquais un sourcil alors que je prenais moi-même mes aises sur le sofa, invitant d’un mouvement de main les prostitués à venir m’y rejoindre maintenant que leur gourou s’était éloigné. J’eus même un petit soupire discret – c’est que je commençais à m’ennuyer ! On n’a cessé de me vanter que les bordels Na’aril faisaient partis des meilleurs et que l’on ne s’y ennuyait pas, mais je devais bien avouer que pour le moment je restais sur ma faim. Sans doute que la présence de Roan m’empêchait d’apprécier pleinement les services que l’on aurait put me proposer… ainsi que les plaisirs. Oui, après mûr réflexion, en réalité, c’était la présence de Roan qui était ennuyante. Peut-être serait-il temps de prendre congé de la personne et d’emporter mes prostitués ailleurs pour qu’on finisse nos affaires ? C’était sans doute le mieux à faire.
Mais alors que je songeais fortement à mettre cela en application, Roan reprit la parole. Ainsi donc, il se targuait d’avoir d’autres choses en réserve, mais ne voulait pas me les montrer. Soit, après tout, je n’avais pas non plus spécialement envie que cela dégénère trop vite. Il fallait savoir prendre son temps avec les personnes que l’on veut… anéantir. Entre autres choses que je ne citerai pas ici. Mais le plus surprenant fut qu’il demanda à ce que moi je montre ce que je savais faire !
Je ne pus m’empêcher de rire. Rire nerveux, rire jaune, rire de joie ? Je ne saurais dire, peut-être un mélange des trois. J’en étais même à en avoir les larmes aux yeux, il me fallut bien quelques minutes avant de reprendre le contrôle de moi-même.

« Ah ! Votre maître est vraiment très amusant, » dis-je à l’intention du rouquin près de moi.

Cette phrase était bien évidemment un outrage. Après tout, cela donnait l’impression que non seulement je ne prenais pas au sérieux l’hybride, mais en plus, que je l’ignorais tout simplement. Après tout, je ne lui répondais pas directement, et je ne répondais pas véritablement à sa provocation, du moins, pas sur le moment. Cependant, je tournais bien vite ma tête en direction de Roan juste après cette petite pique bien placée. Je me levais, puis je pris l’un des prostitués par la main pour m’accompagner alors que je fis quelques pas dans la salle. Histoire de pousser plus loin l’outrage, c’était l’androgyne que je choisissais.

« Je n’ai malheureusement pas ton talent, cousin, pour la danse sensuelle… » En parfait meneur, me voilà en position de danse mondaine. Nous fîmes quelques pas rapides, puis je le fis tourner sur lui-même avant de le renverser en arrière sur mon bras gauche telle une dame de compagnie bien élevée. Le tout n’a pas duré plus de 2 minutes. « L’on ne m’a apprit qu’à être propre en société ! » dis-je en remettant sur pied l’androgyne. « Cependant… » J’eus un rapprochement physique avec le prostitué, mes doigts caressant son menton, mes yeux plantés dans les siens. « Cela ne m’empêche pas de savoir ce que je veux. » Petit clin d’œil avant de m’éloigner de lui, qui eut un petit rougissement avant d’aller se rassoir. « Mais, tu me demandes ce que je sais faire, sans doute ce que je sais faire de mieux ! » A peine avais-je prononcé ces mots que je me dirigeais à pas prompt vers mes pommes. « Et je suis excellent… dans la cuisine. Je suis particulièrement doué dans les desserts… et mon préféré : la tarte tatin aux pommes. » Mes derniers mots furent accompagner d’une pomme qui vint rouler le long de mon bras jusqu’à atterrir dans ma main. « Il y a sans doute une cuisine ici pour nourrir les clients affamés… si vous souhaitez gouter à mon plat, montrez-moi le chemin ! » signifiais-je aux prostitués, le tout agrémenté d’un sourire enjôleur.

( Pando )

J’avais fais mouche une fois encore. Comment je le savais étant donné que Roan s’efforçait de ne rien laisser paraître ? Tout simplement lorsqu’il alla voir son fameux favori androgyne pour lui souffler quelques secrets à l’oreille, et aussitôt le voilà parti. Hors de ma vue et de mon toucher. Donc, il ne fallait pas être très intelligent ni très observateur pour comprendre que ma petite danse avec son gigolo ne lui avait pas plut, loin de là. Après tout, pourquoi chercherait-il à éloigner l’androgyne de moi si ce n’est pas pour éviter un autre éventuel rapprochement ? Je me demandais alors si cette possessivité n’était du qu’à ma présence ou s’il était juste… possessif avec ses choses. Cela risquait d’être compliqué étant donné le métier de l’androgyne : d’autres hommes, voir même d’autres femmes, il en verrait. A moins que Roan ne le garde pour lui seul, alors il ne faut pas s’étonner qu’il ait moins de clients.
Et puis, cette aparté faite, le voilà qui souhaite m’amener lui-même aux cuisines sans les prostitués. Sur le coup, ce qu’il annonça me fit froncer les sourcils. Que d’autres clients les sollicitent ? Impossible. Pourquoi ? Eh bien… ah mais voilà que Roan commençait à vouloir se diriger hors de la pièce alors que moi je n’étais absolument pas décidé à bouger. Bras croisés, je toussotais pour lui signifier qu’il y avait un problème. Alors il s’arrêta, sans doute devait-il être un peu agacé alors qu’il se retourna dans ma direction. Je lui offris mon plus beau sourire radieux.

« D’autres clients pourraient avoir besoin de leurs services… mais tu sembles oublier que je les ai payé pour qu’ils me satisfassent. Et pour le moment je ne le suis pas, grâce – ou à cause ? – à ton intervention d’ailleurs. Alors, ils me suivront, et j’ose espérer qu’après la démonstration d’un de mes talents, je pourrais enfin avoir le plaisir qui m’est dû étant donné que j’ai payé le prix. » D’un signe presque impérial de la main, j’ordonnais à mes prostitués de se lever et de se rapprocher. « Et puis, il serait parfaitement égoïste de ne pas partager cette tarte. »

J’eus un geste presque tendre sur l’un des prostitués, en lui caressant la joue, avant de me saisir fermement de mon panier de pomme pour enfin me décider à suivre Roan dans son bordel.

« Je vous laisse ouvrir la marche, cher maître des lieux. »

J’avais délibérément insisté sur le « maître des lieux » sur un ton narquois presque moqueur. Enfin, devrais-je plutôt dire totalement moqueur mais masqué sous de la narquoiserie faussement affective. Je lui offris à nouveau un grand et large sourire découvrant toutes mes dents. Et puis enfin nous voilà partis pour les cuisines. Cela semblait plutôt mal parti au début, au vu de la rage contenu dans le petit corps violacé de mon cousin, j’ai bien cru en de multiples reprises qu’il allait me frapper. A cela bien sûr Hermit en serait directement informé et je le savais bien capable de lui rendre la monnaie de sa pièce… le tout en évitant de montrer que nous étions deux personnes bien distinctes et différentes. Dans tous les cas, imaginer mon très cher frère frapper Roan était déjà très satisfaisant en soi.
Nous arrivâmes enfin aux cuisines. Le chemin ne fut pas bien long, chose qui me surprit un peu – j’avais pensé la maison close plus grande que cela. Une fois à l’intérieur, elle semblait si petite ! Enfin bref. La cuisine était de taille modeste et bien aménagé. Il y avait quelques cuistots se préparant sans doute pour cuisiner un repas, et l’arrivé du petit attroupement que nous étions suffit à les faire fuir comme la peste. Je fis quelques pas dans la cuisine, y faisant le tour pour me repérer tout en écoutant d’une oreille distraite la remarque acerbe de son cousin.
Décidemment, Roan avait le chic pour m’amuser. Il n’empêche je pus réussir à retenir un peu mon rire, ne laissant sortir qu’un petit ricanement de quelques secondes.

« Ah, Roan ! Roan, Roan, Roan… ce doit être un miracle que tu sois encore en vie. » Le sourire cruel que j’arborais le temps d’une seconde contrastait fortement avec mon habituel expression, et sur le coup pouvait donner froid dans le dos. « Un talent est un talent, et il y a bien plus inutile que de savoir faire la cuisine. Tu ne dois vraisemblablement pas le savoir au vu de ta remarque… mais pouvoir faire sa propre cuisine permet d’éviter les empoisonnements. » Je marquais une courte pause avant de reprendre. « Il suffit d’un rien. On a beau avoir une foi aveugle en ses hommes les plus proches, il suffit d’une intrusion furtive d’un assassin, mélanger quelques poisons sans gout ni odeur ni couleur dans la préparation, et… enfin, tu te doutes bien de la suite. »

Je n’étais pas spécialisé dans l’assassinat et l’empoisonnement évidemment. Mais en tant qu’Harrison, Roan était sans doute au courant du fait que je dirigeais un important réseau criminel. Alors, faire venir un assassin pour l’empoisonner serait un jeu d’enfant. Dans mes paroles, l’on pourrait y voir une certaine menace, bien que ce ne soit pas vraiment le cas. Le tuer était bien trop facile. Non, mes paroles démontraient simplement de la grande méfiance que j’éprouvais envers un peu tout le monde. On est mieux servir que par soi-même n’est pas un proverbe en l’air.

« Enfin bref. On se le fait, ce gâteau ? Pour aller plus vite, je ne serais pas contre de petites mains… » Cette dernière remarque était bien évidemment à l’intention des prostitués. Roan n’était bien évidemment pas visé. « Allons-y ! »

La préparation et conception du gâteau ne durait que 40 minutes. Cependant, comme je me suis un peu amusé avec mes prostitués sous le regard vigilent du chef, le temps de préparation se rallongea de quelques minutes. Pas beaucoup non plus, en soit j’étais très sérieux lorsqu’il s’agissait de nourritures, alors dès qu’on a commencé à rentrer dans le vif du sujet, je ne m’amusais plus avec les prostitués, leur donnant simplement des ordres sur comment peler les pommes et autres directives pendant que je préparais la pâte.

Enfin, après plusieurs minutes d’attente langoureuse, la tarte tatin fut prête. Une délicieuse odeur embaumée toute la cuisine, faisant gronder quelques ventres ici et là, donnant l’eau à la bouche. Rapidement, je me saisis d’un couteau et je découpais des parts égales, avant d’en proposer une à mon cousin.

« Ne t’inquiètes pas. Il n’y a pas de poisons dedans ! »

Concrètement, là, je me sentais fier de moi. Je ne saurais dire pourquoi, alors que je servais également les prostitués, à chaque fois que je préparais un plat, mon faux semblant et mes manipulations s’envolent pour ne laisser place qu’à une franche joie de vivre et satisfaction de soi-même. Bien entendu je ne m’attends pas à ce que Roan complimente mon gâteau. De toute façon… moi je savais qu’elle était bonne, et cela m’était suffisant.

( Pando )