Run little girl, run... [Pv : Ylvä & Akim]

Doucement, les secondes s'écoulent dans le sablier.
Le monde semble se fermer autour de nous, à mesure que l'heure de la rencontre approche. A mesure que nous marchons, mon estomac se serre. J'ai communiqué à toute la petite troupe les indications. Ne pas cacher les armes. Elles nous seront toutes retirées de toute manière... Je connais les méthodes de Akim et c'est bien pour ça que je suis sûr que nous allons tout droit vers les ennuis. Mais j'ai plutôt confiance en mon ancien compagnon de route et évidemment, en celui qu'il a recruté. Ce type est assez fiable quand il vous aime bien et il ne s'entour généralement que de bons gars ou en tout cas, de bons professionnels. Et en Ylvä, maintenant qu'elle a compris le message ou plutôt, les messages que je lui ai enfoncé dans le crâne avec la douceur d'un dragon dans une bergerie. Son idée d'établir un lien avec mon esprit, m'avait déplu mais finalement... Y a pas à dire, ça nous sera utile. Surement davantage que je peux le soupçonner. Face à Akim, le moindre petit avantage compte. Je considère pour l'heure, être un atout majeur dans la mission suicide de Ylvä, qui a maintenant passée un cape. De suicidaire, elle passe à extrêmement dangereuse. La nuance est là, à qui veut bien la voir... Je lui ai trouvé une petite équipe de gros bras et moi, je suis là. En effet, ça peut paraître prétentieux ou bateau de penser ça ... Mais je suis un effet de surprise tout entier à moi seul ce soir. Je suis en vie, je suis ici, je suis magique... Je pense que Akim s'attendrait à tout ce soir, sauf à cette équipe que nous formons. Rapidement, je trouve un gosse, que j'identifie sans mal. Un des petits jouets d'Akim. Ça me serre le coeur, je croirais me voir autre fois malheureusement... J'ai une autre mission de sauvetage qui m'attend.

Le garçon, nous conduit jusqu'à un endroit bien aéré et ouvert, où évidemment se trouvent plusieurs enfants. Chaperonnés de loin par plusieurs hommes. Rapidement, nous sommes fouillés par les petits monstres pour retirer les armes, alors que certains lieutenants d'Akim nous surveille bien et nous épis. Personnellement, je fais croire que je suis muet, agitant pas mal mes bras et soulevant mon capuchon en tournant sur moi-même pour leur montrer que je n'ai plus rien sous ma cape - malheureusement. En plus de dix ans, je constate que certains lieutenants ont changés, que d'autres sont encore là... Mais je suis rassuré de plusieurs choses. Je suis mort, j'ai les yeux marrons et j'ai changé, en une bonne décennie. Même si clairement, mon cache nez semble un peu les déranger ainsi que mon capuchon, j'ai bien exposé la partie inférieure de mon corps sous le menton et je n'ai plus aucune arme sur moi. Ni visible, ni cachée je le crains... Je lève les yeux vers la voûte étoilée. J'ai fort à parier que rapidement, Ylvä énoncera les raisons de notre visite et que Akim en sera informé. J'ai le pressentiment, que je ne vais pas apprécier ce qui va suivre et je suis sûr d'une chose... Le piège s'est refermé. Je ne baisserai pas les yeux, pas même une seconde face à lui...

Les osselets tournoyaient dans les airs, habilement rattrapés par les mains expertes des hommes d'Akim. Assise sur les genoux de Nahil, une jeune femme frôlant la vingtaine riait aux plaisanteries de son concubin, péniblement imitée par sa sœur perchée sur un autre lieutenant. Elle déglutissait avec difficulté en sentant les doigts de l'homme caresser la courbe de ses seins avant de venir se poser sur sa cuisse et surtout, elle baissait les yeux pour ne pas croiser le regard doré du maître de Fal.
De toute façon, Akim ne se souciait pas des p*tes de ses lieutenants. Il était assis au milieu des hommes, un pied posé sur la table, l'autre reposant paresseusement par terre. Il buvait une coupe de vin en écoutant distraitement le bavardage des autres. Tous formaient un cercle privilégié puisque il s'agissait pour la majorité des tout premiers proches d'Akim, sortis de la misère quand ils étaient enfants, désormais atteignant la cinquantaine. Dukasse était assis près de lui, deux de ses molosses roulés en boule à ses pieds. Ils étaient les seuls à ne pas avoir de femme sur leurs genoux.
Akim leva les yeux vers l'un de ses lieutenants censé garder le dédale de ruelles qui abritait son groupe. Une fois au niveau du criminel, l'homme chuchota à son oreille que quatre personnes voulaient le voir et que la seule fille parlait de dettes à payer. Les sourcils d'Akim se haussèrent avec amusement. Il fit passer le message à Dukasse dont la bouche s'élargit en un rictus tordu. Les deux hommes se concertèrent du regard. Les falois demandant à voir le criminel n'étaient pas rares ; Akim s'assurait de sa propre sécurité en maintenant un contact privilégié avec le peuple afin de se garantir des informateurs et des indicateurs qui l'avertiraient lorsque des Chevaliers rouges envisageaient une descente. Ce qui arrivait de moins en moins au fur et à mesure qu'il gagnait en puissance. Quant à l'autorité local, il n'en avait plus rien à craindre. Il était l'autorité.
En revanche, en entendre certains le menacer à proximité était une première, d'autant plus que Akim n'avait jamais de dettes. Il était celui à qui on devait de l'argent, des biens, des corps. C'était quoi alors ? Quatre plaisantins à jeter aux chiens de Dukasse ? Hum...pourquoi ne pas aller voir ce que ces petits rigolos lui voulaient. Il n'avait rien de mieux à faire pour ce soir.
Akim se leva, entraînant à sa suite Dukasse avec ses chiens, Nahil et Farshad. Le criminel louvoya dans les ruelles qu'il connaissait comme sa poche.
Il n'arriva pas en face des visiteurs mais derrière eux. Les quatre lui tournaient le dos, attendant manifestement son arrivée.
La voix d'Akim au ton dangereusement doux résonna dans la nuit.

- Je ne m'occupe pas des coucheries de mes hommes, petite, si tu as une quelconque doléance à faire, vois ça directement avec eux.

Nahil et Farshad éclatèrent de rire et un sourire flotta sur les lèvres de Dukasse.

- Il faut être particulièrement motivé pour venir me chercher comme ça...ou particulièrement stupide.

Le quatuor finit par faire volte-face en entendant la voix d'Akim. Ses yeux se posèrent sur chacun d'entre eux en scrutant attentivement leurs traits, en particulier ceux de la jeune fille. La courbe de son nez, le tracé de sa bouche, l'ovale de son visage...elle lui était étrangement familière comme la réminiscence d'une figure qui allumait en lui un brasier impossible à éteindre. Ce qui était le plus frappant était son air fier, le même que le sien, elle qui le défiait chaque fois qu'il passait dans son lit.
Ses lieutenants ricanèrent devant la provocation de la jeune fille tandis que Akim se contenta de sourire, impassible. Les hommes qui se trouvaient derrière elle s'en donnaient à cœur joie à grand renfort de claquements de langue et de sifflements moqueurs. Mais Akim ne lâcha pas ses chiens, choisissant plutôt de caresser son bouc mal rasé en laissant la gamine poursuivre.
Et il se figea dans son geste en entendant le nom de Fahmiya s'échapper de ses lèves. Ses bras tombèrent de chaque côté de son corps et son regard plongea dans celui de l'inconsciente. Il se rapprocha doucement d'elle, tel un prédateur pistant sa proie.
Ylvä...
Le criminel ne répondit pas tout de suite, laissant planer un moment de silence insoutenable. Son cerveau avait enregistré l'information et voyait déjà comment la traiter. La petite fille que Keba avait aidée à fuir était revenue. Elle que le falois avait surveillé dans l'ombre grâce à Khanrell était devant lui.
Et manifestement, l'illumination divine avait frappé son esprit. Elle savait. Comment ? La question n'avait pour l'instant aucune importance.
Akim arrêta d'avancer à quelques centimètres d'Ylvä.

- Laissez-nous ! ordonna le criminel à ses lieutenants.

Chaque homme, excepté Dukasse et ses deux chiens, se dispersa sans poser de question. Ils faisaient confiance au patron et savaient qu'on ne discutaient pas ses ordres. Une fois que sa bande fut en apparence partie, Akim reporta son attention sur la jeune femme.

- Je le savais., confirma-t-il simplement.

Le criminel leva le bras et caressa la joue d'Ylvä du dos de sa main d'un geste paterne.

- Tu as la beauté de ta mère... apprécia-t-il dans un souffle.

Il avait l'impression de revoir Fahmiya lors de leur première rencontre. A cette époque, il avait été décontenancé par ce désir consumant qui brûlait ses entrailles. Un bouillonnement qui l'avait poussé à avoir Fahmiya à tout prix. Mais ses baisers et ses étreintes n'avaient pas su l'apaiser. Après tout, la faloise avait toujours refusé de s'abandonner à lui. Il avait beau se trouver entre ses cuisses ou lui imposer le contact de son torse sur son dos, elle restait de marbre.
Akim arrêta son geste et lui sourit.

- C'est comme ça que tu viens me saluer ? Tu étais tellement plus gentille lorsque tu étais enfant, tu ne t'en rappelles pas ? Non, bien sûr que non. Tu étais beaucoup trop petite et si adorable. Comme un...

Le criminel marqua un temps puis reprit.

- Petit écureuil...

Akim la contourna et marcha entre le quatuor, laissant son regard traîner nonchalamment à tour de rôle sur eux puis sur le sol. Il frôla chacun des trois hommes sans leur porter une grande attention.

- Tu ne demandes pas des nouvelles de ton père ?

L’ambiguïté de ce dernier mot était lourd de sens. Qui pouvait prétendre à ce titre pour Ylvä ? Keba ou Akim ?

La température continue de chuter étrangement, rendant la nuit de Fal plus fraîche qu'elle ne l'était déjà. Akim n'était pas dupe, il reconnaissait cette manifestation déconcertante liée à la magie. D'une façon ou d'une autre, elle était liée à Ylvä qu'il savait douée de capacités surnaturelles.
Si le criminel bénéficiait de la protection de ses lieutenants, sa fille n'était pas non plus venue seule. Ses trois toutous jusque là silencieux et passifs se manifestent enfin et l'un d'entre eux glisse son bras autour de la taille de la jeune femme avant de la tirer vers lui en secouant la tête. Les chiens de Dukasse grognent, l'écume à la gueule et s'approchent de lui.
Akim lève la main et Dukasse arrête ses chiens d'un sifflement. Le criminel éclate de rire, le premier rire franc depuis le début de cette rencontre. Il s’approche de l’homme qui a prit la parole, son visage à quelques centimètres du sien, avant de chuchoter d’une voix doucereuse.

- Sinon quoi ? Hum ? Sinon quoi ? Tu ordonnerais à tes toutous de me tuer, Ylvä ? Vous êtes sur mon territoire. A partir du moment où vous y avez pénétré, vous avez accepté d'être de petits moineaux sans défense. Vous jouez selon mes règles. 

Il tapote la joue de l'homme et se désintéresse de lui. Le message était clair, une prochaine interruption et il ne verrait pas le soleil se lever demain.
Petit écureuil se sent pousser des ailes et là voilà qui clame ses questions d'un air bravache. Le marcassin veut défier le sanglier et Akim se fait un plaisir de la renvoyer à sa place d’une pichenette meurtrière.

- Ton père est mort. 

L'information tombe comme le couperet, sèche et tranchante, dénuée de compassion.

- Ça fait déjà plusieurs années. Il semblerait qu'il avait le cœur fragile. 

Quelle fin misérable pour le colosse fier et courageux qu'était Keba. Le chagrin avait probablement fini par le terrasser. Une fille loin de lui, une femme entre les griffes d’Akim. Le pauvre n’avait eu que ses yeux pour pleurer la destruction de son existence.
Le criminel n’avait jamais considéré le forgeron comme un rival. L’homme avait toujours été insignifiant, trop pour être vu comme une gêne. Akim avait voulu le pouvoir, il s’en était emparé. Il avait voulu Fahmiya, il s’était servi. Keba n’était qu’un dommage collatéral.

- Quant à ta mère...elle est en sécurité avec moi. Nous passons de bons moments ensemble. De délicieux moments, je suis obligé de lui mettre la main devant la bouche pour éviter que mes enfants entendent à quel point elle adore ça. 

Akim laissait à sa fille tout le loisir d’imaginer sa mère prisonnière de l’étreinte du falois, ses larmes qui coulaient silencieusement sur ses joues quand il était en elle. Il n’avait pas besoin de donner des détails, les conjectures que pouvait se faire Ylvä valaient toutes les descriptions du monde.
Mais ils n’étaient pas ici pour parler plaisir. Le criminel savait la jeune femme Chevaleresse. Un petit écureuil qui jouait à la guerre. Amusant.
Il aurait pu ordonner à ses lieutenants de les réduire en pièces, elle et sa clique de merdeux. Elle ne portait pas l’uniforme rouge, il aurait été facile de faire porter le chapeau à un étranger en voyage, un bérylois égaré peut-être. Mais qu’il le veuille ou non, son sang coulait dans ses veines. La jeune femme avait déjà montré qu’elle avait la fougue de Fahmiya et Akim était curieux de savoir si elle avait hérité de sa perfidie.

- Tu as tes réponses, à moi de te questionner. Qu’est-ce que tu es venue faire ici exactement ? Confirmer ce que tu savais déjà ? Et maintenant ? Tu vas me tuer ? Tu vas ramener tes petits collègues chevaliers pour me faire la peau ? demande Akim avec un sourire narquois.

Au moins, Ylvä s'est réveillée.
Je soupir presque de bonheur, mais évidemment, mon geste sitôt amorcé est réprimé. Je ne suis pas là pour Akim, je ne suis qu'une ombre et ça doit rester ainsi. Le moindre geste, le moindre mot, le moindre son est susceptible d'attirer son attention sur moi et j'espère bien l'éviter au mieux. Même si mon geste de protection pour Ylvä n'est clairement pas passé inaperçue, je remercie mile fois mon comparse d'être intervenu pour moi, d'avoir été ma voix. Même si évidemment, ça ne plait pas à Akim, je trouve que nous sommes pour l'instant situé dans le meilleur déroulé possible. Ylvä a joué son rôle à merveille, peut-être même un peu trop. Car évidemment ainsi, Akim devient plus violent et plus virulent dans ses propos. Il n'est qu'un fou sadique, qui se plait à voir les autres souffrir pour son bonheur. Hors, si ça ne marche pas avec quelques piques simples, il se doit d'y rajouter encore les formes. Akim a de toujours et de loin, était l'un des meilleurs paroliers que je connaisse. Je me trouve fort habile de mes mots, mais je ne cache pas savoir d'où je tiens ça. Des années à l'entendre parler, tourner ses phrases, utiliser ses mots comme des couteaux de lancé m'ont bien appris. Je préfère évidemment ne jamais avoir à l'admettre, mais une part de moi est consciente de ça.

Voyant qu'Ylvä ne se laisse pas abattre si facilement, il redouble d'horreur dans ses mots, dans ses manières. Prévisible. Evidemment, n'importe qui de saint d'esprit serait rendu fou par ses palabres, mais à peine a-t-il fini que j'enchaîne, bardant l'esprit de la belle d'informations toutes autres, pour ainsi dire, très différentes. Je suis persuadé que je l'aide vraiment. Sans moi, elle serait surement déjà prisonnière de ce fou, sans s'en rendre compte. Pour l'instant, même si personne n'a selon moi totalement l'avantage, disons que Akim continue à mener le jeu de ses mots et que je m'arrange pour qu'on puisse réagir très vite au moindre de ses coups, aussi bas soit-il. J'essaye de lui donner le courage, l'espoir, de la garder alerte.

Fais attention avec ses mots, il te provoque. Il peut mentir. Détaches toi un maximum, il devient plus violent parce qu'il te sent résistante. Si elle est vraiment ici, on ne peut rien faire ce soir je te le jure. Continue de lui tenir tête. Si t'as fini, essayes de nous faire quitter les lieux avec le moins de problèmes possibles.

Faisant mine de me désintéresser un peu, même si mes oreilles sont toujours bien prêtées aux mots de ce connard, mes yeux divaguent autour de nous, j'observe... Je ferme les yeux, j'écoute... J'entends plusieurs battements de coeur. Plus que je ne constate d'hommes près de nous. Mes soupçons se confirment, Akim a mis des hommes en embuscade. Doucement, je contracte mes muscles à répétition. Pourquoi ? Me réchauffer. J'ai l'habitude des températures extrêmes de Fal, mais là... hm. Je comprends soudain. Un coup d'oeil vers Ylvä, je suis sûr que ça vient d'elle.

Si t'en es capable. Localise le froid autour de nous... Ca gênera ceux qui sont cachés.

Il est temps de grandir, petit écureuil. Papa n'est plus là pour te protéger et bien que ton visage prétende le contraire, Akim perçoit l'immensité de ta peine.
La main du criminel passe sur ses joues mal rasées, descend sur son bouc. Il ne peut s'empêcher d'être séduit par la femme qui lui fait désormais face. Ils étaient nombreux ceux qui auraient perdu tout contrôle en se jetant sur lui pour le traiter d'assassin et même si l'assurance de sa fille n'est qu'une façade, elle garde la tête haute et le regard fier comme il le faisait lui-même dans sa jeunesse.
Ylvä refuse de répondre à ses questions, ce qui ne fait qu'étirer le sourire d'Akim. Petit écureuil montrait les crocs qu'elle n'avait pas. La tension monte imperceptiblement d'un cran lorsqu'elle demande leurs armes. Le silence qui suit son ordre pèse dans l’atmosphère. On n'entend plus que les halètements des chiens.

- Je ne crois pas, non, finit par dire doucement Akim.

A peine la dernière syllabe franchit les lèvres du criminel que ses hommes se dévoilent. Il en sort des ruelles étroites, des toits. Leurs lèvres qui commençaient à être bleuies par le froid leur donnent un air d'émanation extirpée d'outre-tombe. En quelques secondes, Ylvä et ses trois gardiens sont encerclés, chacun avec une lame pressée contre leur gorge dévoilée par une main qui tire leurs cheveux en arrière.
Les mains nouées derrière son dos, Akim s'approche lentement de la jeune femme qui mène le quatuor. Elle a la tête renversée en arrière et ne peut que sentir sur son visage le souffle du criminel à l'odeur d'alcool et de chicha.

- Et même si je te laissais partir, tu crois que t'irais loin ? Que tu sois à Pikay ou ailleurs, je serai là. 

Akim se désintéresse d'elle et fait mine de compter sur ses doigts.

- Bien bien bien...par où commencer ? Il y a le vieux chevalier, Uthred...et...Ashkan, ton petit copain midjin. Sans oublier ton écuyère Eykeira.  

Chaque prénom est prononcé avec délectation. Akim dévoilait les informations transmises par Khanrell comme s'il avait toujours vécu sur Irianeth aux côtés d'Ylvä. Son organisation était comme une pieuvre dont les tentacules s'immisçaient dans les coins et les recoins de la vie de ses proies. S'il ne voulait pas tuer directement sa fille - pour l'instant - il pouvait s'en prendre à son entourage. Et s'il ne pouvait pas les attaquer frontalement...eh bien, un incident était si vite arrivé pour un soldat en mission.

- Je ne pourrais rien tirer du vieux » dit-il avec dédain. Le jeter aux chiens de Dukasse, éventuellement...qu’est-ce que tu en penses ? Quant aux deux jeunes...

Le falois jette un regard amusé à ses hommes qui éclatent d'un rire gras.

- Les midjins sont particulièrement recherchés dans les bordels. Je suis sûr que ton ami saurait montrer de nouveaux talents. Et pour Eykeira, Farshad apprécie particulièrement la compagnie des petites filles. 

Tenant les cheveux de l'un des hommes d'Ylvä, Farshad sourit, dévoilant une dent en or.

- Ou je pourrais tuer directement tout ce petit monde. En commençant par le vieux » déclare Akim en haussant les épaules.

La lame pressée contre la gorge du bavard de tout à l'heure siffle et il s'écroule dans un gargouillement. Il est là, à crachoter par terre tandis que le patron lève vaguement la main en prononçant le nom du midjin. Le second a à peine le temps de supplier pour sa vie qu'il subit le même sort que son compagnon.
Akim allait ordonner la mise à mort du dernier gardien quand ce dernier hurla le nom d'Ylvä en esquissant un geste pour la protéger.
Une main au doigt tranché.
Une voix, familière, au timbre transformé par les années mais qui résonne dans la tête d'Akim. Il se tourne vers l'homme, les traits décomposés et figés par la fureur. Son regard doré croise le sien et plonge dans son âme pour y lire la vérité.
Malek.
L'espace d'un instant, le criminel est désarçonné. Son ancien lieutenant, prétendu mort, est vivant. Le puzzle s'assemble rapidement dans son esprit, déduisant ce qu'il s'était passé. Le corps qu'on n'avait jamais retrouvé, à part ce doigt. Cette chevalière qu'il avait porté pendant plusieurs jours.
Plusieurs secondes qui paraissent durer des heures s'écoulent avant que les traits d'Akim se détendent. Il fait signe à ses hommes de lâcher les deux survivants. La présence de Malek est un nouveau pion dans son échiquier et le criminel comptait bien s'en servir. Mais pas maintenant. Pas encore.

- J'espère que la leçon a été comprise. Va maintenant. Je te laisse un toutou histoire qu'il ne t'arrive pas des bricoles. Mais n'oublie pas...

Le regard doré d'Akim flamboie dans la nuit. Ses mots sont soufflés comme un avertissement, une promesse qui ne tolérerait aucune réponse.

- A Pikay ou ailleurs.... 

Je le savais.
On ne peut pas dire qu’il y avait une seule situation idéale, on allait forcément s’en sortir avec de la casse. Je m’attendais à quelques coupures, quelques blessures superficielles dans le meilleur des cas, et à maxima d’une perte humaine. Après tout, je connais les lieux, je sais par où fuir. Mais après le déroulé de cette entrevue presque sauvage avec Akim, c’était plutôt certain qu’on allait s’en sortir avec de sacré dégâts. Ylvä ne m’avait pas tout dit. Si j’avais su plus tôt qu’il était son père, j’aurais tout fait pour gérer cette histoire bien différemment. Hors, lorsque tout se met à chauffer, je ne suis que peu surpris. Les hommes d’Akim nous enserrent et Ylvä n’amorce même pas un pas vers les murs les plus encombrés, qui nous auraient permis de fuir. Aussi, j’ai malheureusement, pour réflexe de me rapprocher vite d’Ylvä et son nom, m’échappe.

- Ylva !!

Alors que les corps de mon amis et de son associé, tombent à terre, le silence revient vite. L’ambiance est de glace ici, qu’il s’agisse du pouvoir de la gosse ou d’autre chose... Je crispe ma mâchoire et m’immobilise, lorsque je comprends. Ylvä et moi sommes les deux seuls encore en vie. Akim reprend la parole, fait son cirque, fait le coq. Je suis malheureusement bien certain d’avoir compris. Le regard d’Akim est figé dans le mien, plongé en moi comme s’il tentait de me lire entièrement. Même si mes yeux ne sont pas dorés, je sais pourtant qu’il a compris. Il a compris que c’est moi, Malek, que je suis encor en vie. J’aurais parié, qu’il viendrait me retirer mon capuchon, mais évidemment, il n’en est rien. Il n’a pas besoin de vérifier, il est bien certain de son coup. Il a reconnu ma voix, il a vu mon doigt manquant, il sait. Ma couverture est ici tombée, de manière définitive. Ma mâchoire reste toute aussi crispée. Akim nous offre la possibilité de partir. Il conclut son monologue avec un terrible murmure glaçant, visant Ylvä évidemment. Aussitôt, je saisi l’occasion et saisi Ylva par le bras et l’attire vers les rues où nous sommes arrivés. Les enfants nous rendent nos armes, y compris celles de nos défunts camarades.
Quelle journée de Merde.
Tout ça à cause de ce chaton insouciant et problématique.