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Fenêtre givrée et souvenirs oubliés [PV]

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Sam 19 Déc 2015, 13:04

Il replaça une mèche blanche tombée sur le visage légèrement rosé avec un soupire teinté d’amertume. Le fin visage de sa douce était terriblement tranquille, figé dans une expression neutre depuis trop longtemps. La jeune femme semblait dormir paisiblement, mais il n’en était rien. Poen fit légèrement pivoter le lourd fauteuil fleuri de sorte à pouvoir regarder par la fenêtre et garder un œil sur son âme-sœur. À la droite du lit, la fenêtre légèrement couverte de givre donnait sur l’arbre où ils avaient passé les premières heures de leurs retrouvailles. Le grand ancien semblait inaffecté par le poids des années, d’une manière presque surnaturelle. Le mercenaire, à la gauche de la souffrante, se tenait dos à la porte. Il y avait bien longtemps qu’il avait arrêté de s’en faire avec la prudence; il se trouvait au château d’Émeraude, après tout, personne n’attenterait à sa vie pour sa bourse. Quelques fins flocons tombaient paresseusement des lourds nuages gris semblant pourtant promettre un véritable blizzard. Ce n’était pas encore l’hiver, c’était plutôt la fin de l’automne, un automne froid et humide, inconfortable.

Poen se souvenait de son retour au royaume des chevaliers. Il y avait déjà plusieurs années qu’il veillait sur l’amour de sa vie et ses traits étaient tirés par la fatigue. Le temps n’était pas parvenu à estomper la violence de ses souvenirs et il se rappelait avec une horrifiante clarté les événements du jour où tout avait basculé. Il avait été informé de la disparition d’Eryvia, au royaume de Turquoise. Il avait eu l’impression qu’on le lardait de mille coups de poignards lorsqu’on lui avait appris qu’elle n’avait eu le temps que d’envoyer un message de détresse et n’avait plus répondu, depuis. Avec un petit groupe choisit dans le feu de l’action, il avait chevauché sans s’arrêter jusqu’à Turquoise, où ils avaient été accueillis par une forêt en flamme. La chevalière avait été faite prisonnière par une sorcière démente et ils avaient dû l’en délivrer. La chose n’avait pas été une mince affaire, considérant le constant harcèlement psychologique de la démone et les flammes leur bloquant souvent la route. Au terme de nombreux efforts, la moitié du groupe était finalement venue à bout du brasier infernal afin de porter secours à la jeune femme.

Le métamorphe avait trouvé  la demi-elfe dans un état épouvantable. Nue, allongée au sol et le corps couvert de blessures diverses. La vision avait été difficilement supportable pour lui et il s’était précipité auprès d’elle. De nombreuses vilaines brûlures recouvraient sa peau et sa chevelure était trempée de sang. Les larmes lui étaient presque montées aux yeux lorsqu’il avait découvert la blessure causée par le poignard. Déchiré entre la colère et la tristesse, il s’était enfermé dans un mutisme et ses traits s’étaient peints d’une expression dure. On avait prodigué le plus de soins possibles à la jeune femme afin de stabiliser son état et Poen l’avait ensuite emmenée jusqu’aux montures laissées à la lisière de la forêt. La chevauchée avait semblée encore plus longue qu’à l’aller. Contre lui, le corps inerte d’Eryvia ballotait au rythme du galop de leur monture.

Il était arrivé à l’aube à Émeraude, couvert de cendres et de poussière, le visage dépeignant une expression de douleur incroyable. Il avait mal pour son âme-sœur; pas physiquement, mais il souffrait de la voir ainsi. Heureusement, les chevaliers prirent leur sœur d’armes  à charge et lui prodiguèrent les soins nécessaires. À partir de ce moment, Poen commença à la veiller. Le jour, il participait à certaines tâches plus physiques à Émeraude, puis revenait passer la nuit auprès d’Eryvia. Le fauteuil et le sol n’étaient pas des endroits très confortables où dormir, mais il tenait à rester avec elle et personne ne put l’en dissuader. Il aurait fallu qu’on le sorte de force.

Alors qu’il était toujours perdu dans ses tristes souvenirs, Eryvia bougea. Il crut halluciner et leva les yeux au ciel en croyant devenir fou. Non, ce n’était pas le fruit de son imagination. Elle poussa un gémissement étouffé et ouvrit faiblement les yeux. Il écarquilla les yeux, submergé par une vague de bonheur pur. Enfin, elle sortait de son long sommeil, il avait cru que ce cauchemar n’en finirait jamais. Il alla s’asseoir sur le rebord du lit afin de ne pas trop la brusquer, mais il avait envie de la prendre dans ses bras sans attendre. Il lui jeta un regard plein de tendresse, trop heureux que son calvaire soit enfin terminé.

« Eryvia, tu es réveillé ! Tu vas bien ? Comment te sens-tu, dis moi ? »

Son ton trahissait son enthousiasme et son impatience, il était trop heureux de retrouver son âme-sœur saine et sauve, il n’avait pas été certain de survivre dans le cas où il lui serait arrivé quoi que ce soit. C’est alors qu’il remarqua l’expression interrogative de la jeune femme, son air désorienté. Ce n’était pas normal. Elle le regarda sans sembler comprendre et il ne lut rien d’autre que de l’incompréhension dans son regard, voire un peu de peur. Il comprit alors qu’elle avait changé et il eut l’impression que quelque chose se brisa en lui.

« Eryvia..? »


Dernière édition par Poen le Dim 20 Déc 2015, 12:10, édité 1 fois
Anonymous
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Dim 20 Déc 2015, 06:43


Le brouillard se dissipait peu à peu. Dans ce monde – dans lequel étais-je d'ailleurs? - où j'errais depuis de trop longues journées, le brouillard commençait à se dissiper enfin. Lentement mais sûrement. Cependant, la vision à laquelle il fit place n'était guère mieux. J'aurai même préféré rester dans le brouillard. Des flammes commençaient à m'entourer, et se rapprochaient de plus en plus. Une femme à la chevelure rousse se tenait devant moi, me regardant, un sourire espiègle étirant ses lèvres. Des liens de feu vinrent m'emprisonner et la voilà qui s'amusait à m'écorcher vive.

Et tout d'un coup, plus rien. Le silence. J'ouvris les yeux, et la clarté de la pièce me fit mal aux rétines. Je clignais plusieurs fois, afin de laisser à mes yeux le temps nécessaire pour s'habituer. Quelqu'un se tenait devant moi, visiblement heureux que je me « réveille ». C'est le mot qu'il avait utilisé. Je le regardais, incrédule. De toute évidence, l'homme qui se tenait devant moi, je ne le connaissais pas.

J'essayais de parler, mais j'avais la gorge trop sèche pour ça. Je regardais autour de moi et vit une cruche pleine d'eau. Je m'en servis donc un verre, avec beaucoup de mal. A vrai dire, il y avait plus d'eau à côté que dans le verre. J'en bus le contenu à une vitesse affolante et m'en resservis un autre. Après cela, je regardais l'inconnu qui se tenait devant moi. Il avait les cheveux longs et une barbe de plusieurs jours. Quelques cicatrices trônaient fièrement ça et là. Il avait les traits tirés par la fatigue et semblait connaître mon prénom. Eryvia… Ce nom me semblait étranger, pourtant nous n'étions que deux dans la pièce, alors il ne pouvait s'agir que de moi.

Je décidais de me lever, regardant autour de moi, lorsque je croisa mon reflet. J'avais le teint pâle… Mais je ne me reconnaissais pas. Ou plutôt, je me découvrais. De longs cheveux blancs, un regard doré, abîmé par une cicatrice… Un corps svelte, bien que maigri. Je me détaillais du regard, essayant de comprendre. Je regardais ensuite à ma gauche. Sur la table de nuit trônait une fleur blanche, avec un cœur ressemblant à une tête d'ours. Sur une chaise était posée une tunique ornée d'émeraude, et une épée. Un arc et un carquois se trouvaient à côté également. Où étais-je donc?

Lorsque j'entendis l'homme appelé mon prénom une seconde fois, je me tournais vers lui.


« Je… Je vais bien, je crois. Je suis un peu endormie, j'ai l'impression… D'avoir dormi très longtemps. Mais… Qui… Qui es-tu? articulais-je avec du mal. Où suis-je…? Que m'est-il arrivé…? »

Au moment même où ces mots sont sortis de ma bouche, je voyais le regard de cet homme s'assombrir. Je ressentais sa peine… Mais je ne savais pas qui il était. C'est alors que je remarquais une sorte de halo blanc qui l'entourait. Je n'y avais pas prêté attention avant pour la simple et bonne raison que la luminosité de la pièce était très claire.

« Suis-je dans les plaines de lumières…? Es-tu un ange ou quelque chose comme ça..? Il y a un étrange halo blanc qui t'entoure... »

En attendant une réponse, je me dirigeais vers la fenêtre. Les murs de pierre était froid, et la fenêtre avait subie le gel.  Le temps était maussade. Comme l'atmosphère de cette pièce. Dehors s'étendait le brouillard… Un sourire ironique s'afficha alors sur mon visage. Je sortais du brouillard et pourtant il y en avait également ici. A travers la brume cependant je pouvais comprendre qu'un arbre s'y trouvait. Non, vraiment, je ne vois pas où je pouvais être.

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Lun 28 Déc 2015, 17:50
Les retrouvailles ne se déroulèrent pas comme prévu, pour le jeune couple. Poen regarda son âme-sœur s’éveiller lentement, complètement perdue dans cet endroit lui étant apparemment inconnu. Son regard ne se promenait pas comme celui d’une personne ayant vécu plus d’une décennie dans ce lieu, elle balayait l’endroit en tentant d’y trouver des repères. Le reflet de son propre visage ou même ses effets personnels laissés à son côté ne lui arrachèrent pas la moindre réaction. C’était comme si ses années passées à s’entraîner avec ses frères et sœurs d’armes s’étaient envolées, comme si elle n’avait plus en tête le moindre moment partagé avec cette seconde famille. Il fallut qu’il prononce son nom une seconde fois pour qu’elle le remarque enfin et lui accorde son attention. La femme qu’il connaissait n’aurait pas agi de cette manière, ils avaient une bien trop grande complicité pour qu’elle l’ignore ainsi.

Il scruta son regard doré avec une douleur difficilement dissimulée. Il ne voyait, dans ces yeux, rien de l’Eryvia qu’il avait connu jadis. Dans ces yeux légèrement ternes, il ne discernait pas la moindre complicité, pas la moindre espièglerie dont elle avait pu faire preuve à son égard. En s’égarant dans ces iris ambrés, il n’avait que l’impression de s’égarer dans un désert aride, exempt d’émotions à son endroit. Sa bouche s’ouvrit et le mercenaire resta suspendu à ses lèvres. Qu’allait-elle dire ? Y avait-il encore la moindre lueur d’espoir, de rédemption ? S’il n’avait pas été assis sur le rebord du lit, il serait probablement tombé à genou, lorsqu’il l’entendit lui demander son identité. Elle n’avait pas la moindre idée d’où elle se trouvait, de ce qui s’était passé et de qui son âme-sœur pouvait bien être.

Poen avait déjà été coupé profondément par de nombreuses lames, son corps avait été transpercé de toutes parts par des flèches ou des lances et ses os avaient été fracturés à deux nombreuses reprises par des puissants coups contondants. Cependant, rien de tout cela n’avait provoqué une douleur comparable à celle qui le happa de plein fouet. Pour Eryvia, il parut probablement n’avoir qu’un moment d’inattention, mais ce qui se passait en lui était tout autre. Son univers s’effondrait, brisé par les paroles innocentes de l’amnésique. Sa gorge se serra et il crut qu’il allait être submergé par les émotions. C’était bien plus dur que ce qu’il avait imaginé, il n’avait jamais songé que les dégâts puissent être d’une telle ampleur. Alors qu’il se demandait s’il ne retrouverait jamais son aimée, une question innocente parvint à ses oreilles et raviva un brasier d’espoir aussi vite que ce dernier s’était éteint.

Eryvia voyait la lueur autour de lui, elle percevait encore ce halo blanc dont tous deux étaient entourés, l’un pour l’autre. Il se souvint de ce qu’elle lui avait dit, lorsqu’ils s’étaient croisés pour la première fois dans la forêt d’Émeraude. Ce n’était que des mythes et des superstitions, mais la légende voulait que les âmes-sœurs aient été l’œuvre des dieux eux-mêmes, fragmentant les âmes des mortels en deux avant de les placer dans deux corps différents, liant les deux êtres à jamais. C’était, en ce sens, logique que sa mémoire n’ait rien à voir avec le phénomène surnaturel. La première fois, il était aussi un étranger pour elle, mais elle avait aussi remarqué l’aura. Il se ressaisit et lui sourit doucement, ses craintes légèrement apaisées. En son for intérieur, un véritable maelstrom d’émotions se déchaînait, mais il devait tâcher d’être rassurant pour elle. Il la laissa se lever et marcher un peu à travers la pièce.

« Non, tu n’es pas dans les plaines de lumière, tu es bien vivante. Tu dois ressentir la faim, la froideur des pierres sous tes pieds et peut-être encore une certaine douleur, quelque part. Je ne crois pas qu’on puisse ressentir tout ça lorsqu’on est mort. »

Il se leva à son tour et se dirigea vers la fenêtre. Il se plaça à côté d’elle, à une distance qui aurait été inconcevable dans leur relation précédente, mais qui était désormais respectueusement éloignée.

« Nous sommes au château d’Émeraude, dans l’aile des chevaliers. Tu y as été transportée après avoir été gravement blessée, il y a quelques années. Tu fais toi-même partie de l’ordre des Chevaliers, même si ça peut peut-être te sembler étrange. J’aurais beaucoup à te dire, il y a tant de choses qui se sont passées et qui nous ont menées à cet instant… »

Il se retourna vers elle, plein d’appréhension et de doutes. Il hésitait à lui expliquer sa présence, son rôle, leur relation passée. Qu’allait-elle en penser ? Il ne pouvait pas lui expliquer comment ils avaient appris à se connaître au fil du temps. Il ne pouvait pas non plus lui parler des matinées passées au lit à rire et sans rien faire d’autre que de profiter de la présence de l’autre. Il ne pourrait jamais arriver à lui faire comprendre l’étendue de leur complicité, ce n’était pas quelque chose qu’on expliquait avec des mots, c’était plutôt un sentiment qu’ils partageaient, amplifié par leur lien d’âmes-sœurs.

« Quant à moi… Par où commencer ? Je m’appelle Poen, je te connais depuis… »

L’instant fut brisé par quelques coups répétés à la porte. Il semblait que quelqu’un soit déjà au courant du réveil de la jeune femme.
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Dim 03 Jan 2016, 20:29
Ce monstre devenait insupportable. Lyzann avait en horreur cette ancienne chevalière d’Irianeth. Ce n’était pas la première fois qu’elle s’en prenait aux membres de son ordre. Zyra… Ce nom qui donnait encore des cauchemars à tous ceux qui l’avaient affronté un jour ou l’autre. Elle représentait un problème qui devenait urgent d’éradiquer. Par la faute de cette damnée démone, plusieurs des chevaliers d’Émeraude revenaient l’âme et l’esprit en miettes. D’ailleurs, Eryvia reposait encore inconsciente et cela, depuis trop longtemps. Lyzann avait exigé les meilleurs guérisseurs pour veiller sur la condition de leur jeune femme. Poen, son ami intime, veillait aussi sur elle.  Il ne quittait son chevet que pour aider au château, ce qui lui assurait qu’on ne le met pas à la porte. Depuis le temps, Lyzann s’était assuré qu’il ne soit jamais oublié au repas. Elle avait demandé d’être responsable de lui afin qu’il puisse rester auprès d’Eryvia. Elle avait mis à sa disposition une chambre dans l’aile des chevaliers, mais il refusait de quitter Eryvia, la nuit. Elle ne pouvait le lui en vouloir. De son côté, Lyzann avait souvent reculé devant la porte close. Comment affronter l’image de cette femme forte désormais affaiblie. Il ne fallait toutefois pas croire que le chef ne s’était jamais présenté au chevet de sa chevalière. Elle l’avait fait. Elle s’était montrée… quoi? Courageuse? Non. Elle avait seulement affronté le poids des remords en elle. Ce n’était pas du courage. Le courage s’était Eryvia qui le possédait. Et Poen aussi. D’accepter de veiller sur elle jour après jour alors qu’il n’y avait aucun progrès sur son état malgré les guérisseurs qui venaient prendre soin d’elle. Il ne perdait pas espoir. Et Lyzann non plus. Eryvia était son ancienne apprentie. Lyzann la savait pleine de ressources et elle s’en sortirait. Elle le devait pour Poen. Depuis l’accident, Lyzann avait épluché les solutions. Eryvia n’était pas la première à subir les tortures de Zyra. Ally en était encore traumatisée. Une marque qui resterait à vie. C’était pire que le sort de ceux qui avait succombé à ses maltraitances physiques ou mentales. Comme Zyra n’était plus chevalière ou même sorcière pour Irianeth, ce n’était plus une question de guerre. Le conflit entre Enkidiev et Irianeth n’arrêterait pas la démone. Néanmoins, cette fouteuse de trouble était justement démone. Il y avait peut-être une façon pour les démons d’Émeraude d’éliminer ce monstre… Après tout, la meute du pays avait un alpha et Zyra ne semblait pas en être un. Mais sa visite avait été vaine chez le chevalier Connor. Tant qu’elle respectait son territoire et qu’elle ne s’en prenait pas aux membres de leur meute, ils ne feraient rien. Parfois, Lyzann se demandait si elle avait vraiment l’avantage dans leur entente. Ils ne respectaient son « autorité » que parce qu’elle pouvait leur permettre d’étancher leur soif de sang et de violence sans que cela soit un crime.  Ce n’était même pas une autorité, c’était un respect conventionnel sans plus. Juste une entente prolongée suite au départ de la chevalière Lyra.  Après tout, elle n’était pas Lyra ou encore un membre de cette meute comme Castiel. Les démons ne l’écoutaient pas. Et par ce fait, ils étaient une dangereuse arme. Une arme qu’elle ne tenait pas dans ses mains. Et Zyra était une lame qui devait être brisé comme elle en avait brisée d’autres.

Dans son bureau désordonné, Lyzann s’affairait à préparer des missions urgentes dans d’autres pays. Sa plume s’arrêta de gratter sur le parchemin quand une sensation l’envahi. Sensible depuis sa nomination au poste de chef à la présence de ses frères et sœurs d’arme, Lyzann sentit en elle le réveil de sa chevalière. Il était dur d’expliquer comment ce lien fonctionnait. Lyzann n’avait jamais été bonne avec les vagues d’apaisement ou le sondage des gens. Mais elle sentait en permanence la présence des gens autour d’elle. Elle sentait les domestiques passer dans le couloir, mais surtout elle arrivait à savoir où se trouvait chacun de ses chevaliers qu’importe où ils se trouvaient. Cette connexion s’étendait même plus loin que l’enceinte de leur repaire. Il s’agissait d’un don personnel qu’elle avait entraîné et dont elle se félicitait dans certains cas comme celui-ci. Elle quitta son bureau avec un drôle de sentiment accroché à son ventre. Vacillante entre l’inquiétude et la joie, elle grimpa à l’étage des chambres des chevaliers où Eryvia était veillé. Dans sa tête, elle se repassait toutes les recommandations qu’on lui eût émises concernant le réveil d’une personne inconsciente depuis un long temps. Éviter tout surmenage, identifier les signes de fatigue et conseiller le repos. Il était aussi possible que l’esprit soit flou ou soit troué. Il y avait de fortes chances qu’elle ne se souvienne pas tout de suite des derniers événements. Surtout appeler au calme. Le traumatisme serait dur à revivre. Les souvenirs l’envahiraient et auraient l’effet de poignards sur sa conscience. Lyzann se souvenait qu’Evrard avait été très émotionnel après l’enlèvement de sa femme. Il avait revécu son dernier souvenir avec violence à plusieurs reprises après son réveil.  Le mieux était de laisser la victime assimiler les choses à son rythme. Ne pas précipiter les choses. Éviter trop d’informations. Laisser le temps faire son chemin jusqu’à… Elle toqua doucement à la porte interrompant une conversation probablement.

Incapable d’attendre que quelqu’un lui ouvre, Lyzann ouvrit prudemment la porte. Elle se glissa à l’intérieur refermant la porte derrière elle. Devant la fenêtre se tenaient en contre-jour les deux occupants. Le regard doré de la désertine se posa instantanément sur Eryvia. La vue de la femme debout émue son chef. Lyzann passa une main sur sa bouche pour camoufler le tremblotement de sa lèvre inférieure. Une inspiration passée et Lyzann retrouva son solide pour continuer sans toutefois effacer la douceur de son regard. Sa main glissa sur sa poitrine. Elle avança d’un pas doux, mais n’osa se rapprocher trop. Elle se sentait au fond d’elle terriblement coupable de ce qui c’était passé. Et si Eryvia lui en voulait terriblement de ne pas être arrivé à temps?


- Je suis rassuré de voir que tu es déjà debout, Eryvia. Je retrouve ma chevalière battante. Je… Heu… Les guérisseurs de la Tour m’ont prévenu que tu pourrais être un peu embrouillé au réveil. Il ne faut pas s’inquiéter. Tu devrais retrouver doucement le cours de ta… tête.

Lyzann prit une grande inspiration. Elle se sentait si peu elle-même. Hésiter ainsi sur ses mots n’était pas habituel, mais les sentiments qui l’envahissaient se contredisaient ne l’aidant pas. L’ancien maître souhaitait aller cueillir son ancienne apprentie dans ses bras pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un rêve, mais son titre de chef lui demandait d’agir avec professionnalisme et d’éviter de montrer ses sentiments aussi ouvertement. Elle se contenta un moment de regarder Eryvia puis, elle échangea un regard avec Poen réalisant qu’il était là bien avant elle.

- Pardon, j’ai dû vous interrompre en entrant ainsi. J’ai agi avec précipitation.  Je voulais seulement m’assurer que…

Elle marqua une pause soudainement consciente de la distance entre Poen et Eryvia. Une distance polie. La distance qu’un homme et une femme faisant connaissance doivent respecter pour les convenances. Une distance qui n’avait pas lieu d’exister entre eux. Pas dans cette situation où Poen aurait dû être ravis de retrouver son amie. De même pour Eryvia que Lyzann connaissait démonstrative en privé. Quelque chose clochait et maintenant que Lyzann avait refroidi les émotions en elle, le visage des deux autres lui semblait pointer l’évidence. Elle fronça les sourcils et inquiète, elle attendit que l’on veuille bien lui apprendre un peu plus sûr ce qui se passait. Elle n’osait pénétrer l’esprit probablement encore fragile d’Eryvia. Concernant Poen, contrairement aux chevaliers d’Émeraude, il n’avait pas fait le serment de ne jamais rien lui cacher. Il avait donc droit au respect de son intimité mentale. Lire les pensés des autres ne devait pas être un réflexe pour trouver réponse que quelques instants supplémentaires pouvaient naturellement nous apporter.
Anonymous
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Lun 04 Jan 2016, 16:32


A l'évocation de ce que j'étais censée ressentir, tout me parvint enfin au cerveau. La froideur de la pierre – et de l'atmosphère – la faim, la fatigue… Je pris soudainement appui au mur, m'adossant à celui-ci, prenant peu à peu conscience du monde qui m'entourait. Je regardais mes mains… D'étranges cicatrices étaient là, mais je préférais les ignorer pour l'instant, écoutant plutôt l'homme qui était là depuis mon réveil Emeraude… Chevaliers… Gravement blessée…? Je jetais de nouveau un coup d'œil à mes cicatrices. Quelques années…? Combien exactement? Tellement d'informations et pourtant rien qui ne me faisait vraiment réagir. Des larmes commencèrent à embuer mes yeux, la panique à m'envahir. Je ne comprenais plus rien. Alors, j'étais Chevalière…? Ici? Ça expliquerait donc la présence d'armes… Et de cet uniforme orné d'émeraudes. La détresse commençait à se faire tenace, forte en moi, mais… celle de celui qui se tenait à côté de moi était encore pire. Plus dévorante… Je le détaillais du regard encore une fois. Il avait l'air si fatigué…

Son regard croisa le mien et quelque chose d'étrange se produisit. Pas de la peur. Pas de la crainte. Je ne saurais pas expliquer ce que c'était, mais ça m'avait… rassurée. En quelques sortes. Ainsi donc, il s'appelait Poen. Malheureusement, je n'eus ni le loisir ni l'occasion d'en savoir plus, car quelqu'un d'autre entra. Une grande femme, la peau foncée, les cheveux longs et bouclés, le regard doré semblait elle aussi très heureuse de me revoir. Elle connaissait mon prénom. Et j'étais battante selon elle. Je devrais retrouver le cours de ma tête bientôt…? Etait-ce vrai? Ou simplement des paroles rassurantes? En tout cas, je pouvais aussi sentir en elle quelque chose… qui la retenait de venir vers moi. De la joie contenue. Comme Poen quelques instants auparavant. Je fronçais les sourcils, ma tête bourdonnant soudainement. J'avais dormi si longtemps et j'avais déjà tellement de nouvelles choses à assimiler… Mais pour l'heure, je me concentrais sur les paroles de la deuxième inconnue qui était entrée. Soudain, elle s'arrêta. Le silence…. De nouveau. Ce silence pesant. Ce silence gênant. Celui qui veut dire… Que quelque chose ne va pas. Et je sais ce qui n'allait pas si je ne savais rien d'autre. J'étais un problème. Le problème. Enfin, ce que visiblement j'avais oublié en était un.

Devais-je avoir peur? Leur faire confiance? Ou partir? Je n'en savais rien. Ma mémoire ne voulait pas revenir. Je ne ressentais pas la crainte. Je ne ressentais… Rien. Si ce n'est la gêne oppressante. Je devais briser le silence. Faire quelque chose. Donner des réponses à ces gens qui, peut-être, étaient… Des amis à moi? En fait, je ne savais pas vraiment… Les mots me viennent naturellement, cependant, je n'en saisis pas tout le sens. Je me mis à rire doucement face à l'ironie du sort. J'étais celle qui ne se souvenait de rien, ou presque. Et pourtant, c'était moi qui devait donner des réponses.

Je me tournais d'abord vers la fenêtre, espérant que la vue de cet arbre, de ce givre, n'importe quoi en fait, me fasse tout revenir. Mais je ne fis face qu'à mon reflet. Quelque chose d'étrange se produisait. Mon regard… était en train de changer. Il s'effaçait… Le doré changeait. En un bleu pâle, presque gris. Il devenait vide. Comme le ciel d'aujourd'hui. Comme… Mes souvenirs. Un sourire se dessina alors à nouveau sur mon visage en même temps qu'une larme dévalait ma joue. Je ne sais pas pourquoi je pleurais, ni même pourquoi mon cœur, que j'avais jusque là oublier, me faisait si mal. Quelque chose s'effaçait dans mon regard, quelque chose qui… peut-être était important pour moi. Si mon corps réagissait de la sorte, il n'y avait pas d'autres solutions. Le corps se souvient quand l'esprit a oublié… Le corps se souvient toujours. La preuve sur ma joue. Je passait mes doigts sur cette cicatrice. Ma peau se souvient, mais moi pas. Je pris une grande inspiration, sécha la larme qui était maintenant sur mon menton du dos de la main et me retourna.


« T'assurer que tout va bien, c'est ça? Je crois… Que je vais bien. Un nouveau rire m'échappa. Je viens d'y repenser…"déjà debout"… ça fait des années que vous attendez ça, apparemment. N'est-ce pas un peu… ironique? Je marquais une pause. Je… Je suis désolée. »

L'incompréhension se peignit un instant sur le visage de la femme qui se tenait devant l'entrée.

« Je ne me… Souviens de rien. Je sais juste que je m'appelle Eryvia et que j'étais Chevalière ici… C'est tout ce dont je me souviens. C'est tout ce que Poen m'a dit pour l'instant. Je ne sais même pas qui tu es…  »

La panique et la tristesse me saisirent aussitôt à la gorge, et cela se ressentit dans ma voix.

« Tu as dis… que ça reviendrait, hein… ? Ça reviendra ?! »

En prononçant ces paroles, je m'étais avancée vers elle précipitamment. Peut-être que mes paroles ou mes gestes semblaient violents, pourtant rien de tel ne m'habitait. Je me mis à genoux devant elle, pleurant cette fois à chaude larme, en proie à un mal terrible au fond de moi.

« Dis moi… Que ça reviendra... Aides-moi… Je t'en supplie aides-moi !! »

J'étais lamentable. Ma voix s'était brisé dans ces dernières paroles. Comme étouffée par mes sanglots. Je tremblais. Pas de froid, non. J'étais secoué par ces spasmes étranges.  Je levais un regard suppliant sur mon interlocutrice, qui me surplombait de toute sa hauteur.

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Ven 08 Jan 2016, 16:19
Lyzann promena un instant son regard sur les deux jeunes gens. L’inquiétude ne la quitta pas. Elle avait interrompu une conversation dont elle ignorait tout. Que ce passait-il? Cette crainte en elle ne pu se taire. Eryvia se retourna vers la fenêtre tournant le dos à la désertine. Cette dernière fut ébranlé un instant devant le tableau. Elle supplia Poen d’un regard douloureux. Elle voulait savoir. C’est alors qu’Eryvia éleva la voix tout en se retournant vers son chef. Elle compléta la phrase de Lyzann tout en y répondant. La chevalière croyait que tout allait bien, mais ça ne calma pas l’orage en la désertine. Pas avec ce rire. Pas avec cette amertume dans la voix. Oui, cela faisait 7ans, plus ou moins 84 mois,  quelque chose comme 2500 jours qu’ils attendaient cela. Rien que cela de la voir debout devant eux les contemplant avec joie, de pouvoir chasser le doute qui planait sur son état, de pouvoir crier que la mort ne l’avait pas emporter, que ses yeux encore pourraient contempler montagnes et rivières.  Elle s’excusa. Lyzann ne comprenait pas.

« Je ne me… Souviens de rien. »

Cela eut l’effet d’une flèche dans sa poitrine. Pour l’une des rares fois, Lyzann eut l’impression de manquer d’aire. Les guérisseurs avaient dit qu’il serait normal que sa mémoire soit trouée… Qu’elle retrouverait les morceaux manquants… Il avait parlé d’un parchemin troué dont les bouts manquants étaient cachés. C’était normal. Qu’elle ne se souvienne pas. Le coup qu’elle avait reçu avait été terrible. Mais là, ce n’était pas qu’un parchemin négligé. C’était la bibliothèque au complet qui semblait avoir brulé. La détresse en la chef ne faisait qu’écho à celle dans la voix d’Eryvia. La panique dont elle était éprise détruisit le dernier rempart des sentiments de Lyzann. Dans ses yeux remontèrent des larmes qui lui embrumèrent la vue sans toutefois tomber. Ses doigts lui pincèrent la lèvre inférieure  la menant aux tourments intérieurs. Que pouvait-elle promettre en cet instant qui ne soit pas mensonge ? De voir cette femme qu’elle avait vue murir et grandir s’effondrer devant elle la tourmenterait à jamais. N’était-ce pas ce dont elle essayait de se préserver? N’était-ce pas ce qui avait fait périr sa prédécesseur : cette attachement au sort des autres? Où était cette ligne qu’elle ne pouvait pas franchir sans risquer de blesser encore plus les autres? Probablement déjà franchis.

-Je ne sais plus… Je ne sais p… Mais je t’aiderai!

Lyzann essuya les larmes dans ses yeux et se laissa tomber à genoux devant Eryvia. Elle prit le visage mouillé de la jeune femme entre ses deux mains pour soutenir son regard. Les yeux fixés dans les siens, elle lui fit la promesse.

-Je t’aiderai Eryvia. Rien n’a jamais été plus fort que toi. La preuve est que tu es encore en vie malgré tout… Nous allons nous battre ensemble, Eryvia.

Elle attira la chevalière en pleure contre elle. Elle espérait pouvoir la réconforter. Mais pour l’instant les pleures, la souffrance, l’incompréhension, la crainte, tout cela pouvait sortir. Il fallait qu’elle l’extériorise.

- Tu ne seras pas seule. Qu’importe si tu te souviens de nous ou non. Nous sommes une famille. Une très grande famille.

Lyzann leva les yeux au travers de la chevelure blanche qu’elle caressait d’une main vers l’homme qui se tenait en retrait. L’Ordre d’Émeraude était une grande famille et ils n’excluaient pas les gens de cœur qui passait de si long moment au chevet sans perdre espoir. La chef espérait que Poen le savait. Eryvia, l’ancienne et la nouvelle, allait avoir besoin de lui jusqu’à ce que les choses s’arrangent. Pour l’instant, il fallait y aller doucement. Elle ferait au souper l’annonce du réveil de la jeune femme et serait formelle sur ce qui pouvait être mentionné à la jeune femme. D’avoir oublié ce qui s’était passé était peut-être pour l’instant une chose bien. Eryvia était dans un état très émotif. Le mieux était un choc  à la fois. Eryvia finirait par poser elle-même les questions auxquelles elle voudrait des réponses.
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Dim 10 Jan 2016, 14:03

Il aurait aimé avoir encore un peu d’intimité avec la chevalière, il aurait voulu pouvoir lui parler un peu et constater l’étendue des dommages, même s’il en avait déjà une bonne idée. Il en aurait sûrement souffert et n’en aurait rien tiré de positif, mais il avait du mal à réaliser qu’Eryvia puisse avoir tant changé à cause de la démone. Il croisa le regard d’Eryvia et sentit toute la force du lien les unissant, il ressentit le torrent émotionnel se déchaîner, sans pour autant être aussi significatif qu’avant, pendant un court moment, puis quelqu’un vint interrompre ce moment déjà bien trop impersonnel. Il y avait tant d’espace entre lui et elle, il y aurait bien de l’espace pour une personne de plus, après tout. Il se retourna en même temps que la blessée et fit face à la nouvelle arrivante. Il s’agissait de Lyzann, la chef de l’ordre. Bien que le mercenaire ne soit pas familier avec elle, il l’avait déjà croisé à de nombreuses reprises au cours de ses nombreuses années passées au château, parfois même lors de ses visites à la demi-elfe. Leurs conversations avaient été courtes, polies et toujours amères, aucun d’eux n’ayant vraiment envie de parler, vu le contexte de ces dialogues.

La chef de l’ordre semblait émue et son ton confirma à Poen qu’elle ne savait rien de l’amnésie de celle qui avait passé tant d’années à sommeiller. Elle était optimiste dans ses propos, ce qui était rassurant, mais aussi difficile à entendre. Savait-elle vraiment ce qu’elle disait ou ignorait-elle plutôt la gravité de la situation ? Le guerrier espérait honnêtement que la première option soit la bonne, mais il en doutait. Après toutes ces années, il avait tant perdu en veillant au chevet d’Eryvia qu’il avait beaucoup de mal à espérer. En premier lieu, il avait eu un regain d’espoir, mais ce pic d’optimisme avait rapidement fait place à un pessimisme malsain dont il n’aurait pas dû faire preuve à l’encontre de l’amour de sa vie.

Lorsqu’elle s’excusa de les avoir interrompus, il ne put adresser à Lyzann qu’un regard triste. Non, vraiment, il n’y avait rien à interrompre; pas de retrouvailles chaleureuses, pas d’effusions, pas de marques d’affections quelconques. Il n’y avait qu’un froid semblable à la température extérieure. C’était une journée froide éclairée par un soleil maladif, mais c’était une journée se mariant horriblement bien avec les événements se déroulant. Il vit alors qu’elle remarqua la distance le séparant d’Eryvia. Oui, c’était étonnant après une telle attente, mais cette distance justifiait bien le malaise qu’il semblait provoquer chez Lyzann. Ils auraient dû s’étreindre, s’embrasser, voire même pleurer ensemble. Ils ne devaient pas se tenir si loin l’un de l’autre alors qu’ils étaient faits pour être ensemble. C’était un jeu cruel du destin qui n’avait pas lieu d’être.

Pendant un court instant, la nouvelle arrivante interrogea le mercenaire du regard, lui demandant des réponses qu’il n’avait malheureusement pas vraiment. Ensuite, la demi-elfe sembla troublée pendant un moment, puis s’adressa à sa chef. Elle semblait incertaine à propos de la situation, mais comprenait que sa convalescence avait été longue. Elle confirma son incapacité à se souvenir de quoi que ce soit. Il le savait, mais cette confirmation venait de lui scier les jambes et de couper sa respiration. Sans prévenir, elle devint paniquée et se précipita vers Lyzann. Poen resta de marbre, légèrement choqué par la scène. Que passait-il donc ? Eryvia voulait se souvenir, et la douleur ne fut que plus grande pour Poen, contraint de regarder son aimée ainsi supplier à genoux son ancienne maître afin de retrouver la mémoire.

Il était dépassé par les événements. Sous ses yeux, Lyzann flancha et commença à pleurer à son tour. Elle s’efforça de l’encourager, lui rappelant qu’elle avait survécu à cette terrible épreuve. Elles s’enlacèrent dans une démonstration poignante d’émotions, mais Poen restait en retrait.  Il croisa le regard de Lyzann et comprit qu’elle tentait de l’inclure dans tout cela. Il n’était cependant plus certain d’y avoir exactement sa place. Il était envahi de doutes et réalisait l’ampleur du fossé le séparant désormais d’Eryvia. Comment était-il censé lui annoncer qu’ils avaient formé un couple pendant de nombreuses années et qu’ils étaient follement épris l’un de l’autre ? Elle ne comprendrait pas, elle ne comprendrait jamais et en serait simplement effrayée. Peut-être se sentirait-elle aussi obligée de lui rendre un amour qu’elle ne partageait plus, ce qui n’était pas envisageable. Tout cela détruirait le peu qu’il restait de leur relation. Il n’avait plus que ces vestiges émotionnels sur lesquels compter et il n’était pas certain d’avoir la force de vivre sans eux.

L’idée farfelue qu’il puisse un jour perdre son âme-sœur sans pour autant la perdre ne lui avait jamais effleuré l’esprit, mais c’était maintenant sa réalité et il devrait faire avec. Déjà, il avait l’impression que sa tête tournait et que ses genoux fléchissaient. Il aurait voulu s’appuyer à quelque part pour attendre que le malaise passe, au moins quelques secondes, mais la scène se déroulant devant lui ne lui en laissait pas vraiment le temps. Il dût prendre en cet instant une décision cruciale, à savoir s’il ferait toujours partie de la vie de la chevalière. La réponse lui parut évidente, mais nuancée. Oui, il serait là pour elle, toujours, il était incapable de s’imaginer faire autrement. Cependant, il ne pourrait pas lui imposer une quelconque relation et devrait ne rester qu’un simple guide, un ami. C’était difficile et sa gorge se serra. Au fond de sa poitrine, une boule s’était formée et il sentait un torrent d’émotions violentes ravager son esprit. Il ne savait plus comment réagir, tiraillé entre sa joie de revoir Eryvia et la douleur provoqué par la disparition de tout ce qu’ils avaient mis plusieurs années à bâtir ensemble.

Il soupira brièvement et chercha à se donner du courage. Il repassa dans sa tête quelques-uns de leurs plus beaux moments, mais ne réussit qu’à se blesser davantage. Il devait se rendre à l’évidence, il ne serait jamais capable d’être là pour Eryvia dans son état actuel, il était bien trop attaché à elle pour pouvoir l’aider. La voir dans cet état était au-dessus de ses forces et il réalisait l’ampleur de la tâche colossale qui l’attendait. Enfin, il se résolut à agir.

En s’avançant vers les deux femmes, il commença à ériger des barrières à l’intérieur de lui, contrairement à Lyzann qui avait vu les siennes s’effondrer plus tôt. Son raisonnement était simple, mais peut-être pas sans failles. Il serait incapable de s’occuper de son âme-sœur sans d’occasionnels regards chargés de tristesse ou de tendresse, sans fléchir fasse à la tentation que représentait constamment sa présence réconfortante. Eryvia avait besoin de quelqu’un sur qui compter, pas d’un être faillible qui puisse craquer. Il savait se battre, il savait tuer, mais il était complètement sans défenses face à elle et venait de décider que tout cela changerait, pour son bien. Il s’accroupi près d’elles et posa une main sur l’épaule de la demi-elfe. Sa posture était plus rigide et ce n’était que dans son regard qu’il subsistait les dernières traces de sentiments qu’il s’efforçait de faire disparaître. Il prit une voix douce.

« Oui, nous sommes là pour toi, tu n’as pas à t’en faire sur ce point, nous serons toujours présents, dès que tu en auras besoin. C’est une épreuve difficile, mais nous pouvons la traverser ensemble. J’ai confiance en toi et en ta force, il te suffit de prendre ton temps. »

Peut-être Lyzann pourrait-elle percevoir le dernier éclat de chagrin en lui avant qu’il ne le scelle à jamais, mais il n’en avait rien à faire. Son couple n’était pas de ses affaires, ni des affaires à personne. Il avait vécu seul assez longtemps et pourrait le faire encore. Elle avait beau le prétendre, il ne faisait pas partie de cette famille et ne l’avait jamais fait. Tout ce qui comptait pour lui, c’était la chevalière et c’était pour elle qu’il agissait ainsi.
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Dim 10 Jan 2016, 16:30

Perdue sur les mers, dédales infinis comme repères. Vacilleras-tu, sans étoile pour guider tes pas?


Mon monde s'effondrait. Enfin, c'était ironique quand au final mon monde se résumait aux quelques informations que j'avais peine à assimiler. Après tout étant donné que je ne me souvenais de rien, je ne pouvais en rien croire que toutes ces choses étaient vraies. Mais pour l'instant elles étaient mon seul repère, la seule chose à laquelle je devais m'accrocher pour espérer me reconstruire… Me reconstruire, moi et une identité qui m'est propre. Tout cela était blessant, désolant. Je n'étais… Personne à ce moment là. Je ne suis personne. C'est tout autant désolant que blessant. Peut-être même encore plus quand d'autres personnes semblaient partager ma peine. Celle qui se tenait devant moi ne savait même pas elle-même si j'allais retrouver ce que j'avais perdu. Je me sentais vide, terriblement vide et pourtant j'avais cette douleur qui me cognait violemment dans la poitrine. La femme se mit à ma hauteur et prit mon visage dans ses mains, me forçant à soutenir son regard. Elle  me fixait avec une telle… détermination au fond de ses yeux que je ne pouvais pas douter de sa franchise. Ses mots étaient réconfortants. J'étais forte. J'étais une battante. J'avais survécu. Mais survécu à quoi? Je n'en savais rien. Je n'osais pas le demander. Mais je voulais le savoir. C'était sûrement terrible d'après les marques que mon corps portait encore après tant d'années mais pourtant je voulais le savoir. Peut-être que cela m'aiderait à me souvenir… Du reste.


Quand l'orage s'embrase, que les rêves meurent avec les âges… Saches que tu n'es pas seule. Je donnerai tout pour sécher ces larmes sur tes joues afin qu'elles n'abreuvent le sort.


Alors l'idée c'était de nous battre… Nous battre contre quoi au juste? Cette amnésie avait déjà gagné. Elle avait tout emporté avec elle, même mon nom. Ma propre identité. Nous étions une grande famille? Pourtant je ne me souvenais même pas de la femme qui me serrait maintenant contre elle. J'étais totalement perdue. Voire incertaine que la douleur qui m'assaillait était bien la mienne. Étais-je humaine? Mon apparence me disait que oui mais mes sens, qui peu à peu se reconnectaient eux aussi à la réalité tendaient à me prouver le contraire. Peut-être que cela avait un lien avec le fait que j'étais Chevalière avant de… Sombrer? Cette question revenait toujours. Pourquoi avais-je sombré? Je n'en avais plus la moindre idée. Une partie de moi voulait le savoir pendant que l'autre, un peu plus grande mais de plus en plus croissante, voulait simplement avancer. Redevenir quelqu'un en oubliant celle qu'elle avait été. Et cela signifiait partir d'ici. Dire adieu à ces gens que finalement je ne connaissais pas. Et partir loin. Refaire ma vie. Refaire mon identité. Ailleurs.


Partages avec moi, tes larmes et plus profonds effrois. Dis te souviens-tu, quand tu chassais les ombres en moi?


Quelque chose avait disparu. La douleur en moi se faisait moins… Tenace. Je reprenais consistance. Peu à peu, la douleur se dissipait. Sûrement parce que Poen venait à son tour me rassurer, à me dire qu'il m'aiderait. Qu'il avait confiance en moi. En ma force. Qu'il fallait que je prenne mon temps. A nouveau tout cela était autant réconfortant que blessant. Il avait confiance en moi alors que moi, je ne me souvenais plus de lui. Il en était de même pour celle qui continuer de me rassurer. Ils croyaient tout deux en moi, en ma force, alors que moi je ne me rappelais de rien. Cependant, je crois que je commençais à comprendre pourquoi ils disaient que j'étais une personne forte. J'avais déjà pris une décision. Je ne savais pas vraiment ce qu'être Chevalier signifiait ici, cependant j'étais certaine qu'il y avait un code, une promesse, quelque chose de ce genre. Et si aujourd'hui j'étais dans cette situation, peut-être était-ce parce que j'avais failli à mon devoir. Je me relevais doucement, séchant les dernières larmes sur mes joues. Vestiges du passé désormais. De mes derniers moments de faiblesses. Et d'incertitude. Je m'adressais d'abord à la femme.


« Je ne suis pas sûre de ce que j'avance, mais être Chevalier c'est sûrement avoir juré allégeance à quelques règles ou principes. L'état dans lequel je me trouve aujourd'hui… Ne me permet certainement plus de faire partie de cet Ordre de Chevalerie dans lequel je semblais me trouver avant… L'incident. Dont je ne me souviens pas non plus. Je ne veux pas vous faire perdre de temps à devoir me reformer, car il est certain que j'ai besoin d'une ré-éducation et que cela prendra des années. Je ne sais pas de quoi ce monde est fait mais une chose est sûre, j'ai envie de le découvrir, enfin de le redécouvrir par moi-même. Je veux m'en faire mon propre opinion. Comme ça je serais certaine et je n'oublierai plus. Je ne vous encombrerai pas plus. Je veux juste savoir une dernière chose… Depuis toute à l'heure, la détresse et la douleur que je pensais ressentir se sont bien réduites. Suis-je capable de percevoir l'émotion des gens qui m'entourent? Car je ne pense pas avoir été capable de ressentir autant de peine toute à l'heure face à mon amnésie. Ce n'est pas pour moi que c'est le plus dur ici, je crois. Je ne connais même pas ton nom, mais je te remercie pour tout ce que tu as dû faire pour moi. J'ai le sentiment que cette grande famille me manquera d'une certaine manière même si maintenant elle m'est inconnue. Mais je vous serai toujours reconnaissante de m'avoir… Sauvée. Je ne sais pas qui sont tous ceux qui m'ont soignés, mais s'il te plaît… Remercies-les également. Je ne veux pas de longue cérémonie d'adieu, je ne connais plus personne ici… Alors s'il te plaît, dis leur simplement que je vais mieux, que je suis partie découvrir à nouveau le monde et… Ce sera tout. »

Des paroles qui, je le savais déjà, seraient encore plus blessantes que les précédentes. L'amnésie était une chose. Décider de partir et de tout rebâtir en était une autre. Plus ou moins acceptable pour ceux qui m'avait sauvée. Peut-être même élevée. Mais celle qui se tenait devant moi semblait être une femme intelligente et j'étais certaine qu'elle comprendrait ma décision.

Je me retournais, observant maintenant Poen. Quelque chose avait changé en lui depuis toute à l'heure et je ne saurai dire quoi exactement. Mais lui semblait me connaître plus que n'importe qui d'autre. J'en étais certaine… Quelque chose en moi me criait que c'était vrai et que je devais lui faire confiance, le croire. Et il y avait aussi cette aura.


« Quant à toi… Si tu l'acceptes, je te demande de venir avec moi. Je ne peux pas me jeter seule dans cette nouvelle aventure et cette aura qui t'entoure m'intrigue au plus haut point. J'ai l'impression que j'aurai besoin de toi à un moment ou à un autre. »

Quand je l'observais, il avait tout d'un guerrier. Même s'il était fatigué par toutes ces années à attendre que je me réveille. En vérité, je pense qu'il était quelqu'un d'important pour moi. Et en même temps, il était quelque peu intriguant. Non seulement par l'aura qui l'entourait mais également par… Cette part animale qu'il dégageait. Ce monde était des plus intéressants je crois et au moins il n'allait pas être ennuyeux à redécouvrir. J'attendais d'abord la réaction de mes deux interlocuteurs avant de rassembler de quoi partir.


Le futur m'emporte et le reste n'est rien.

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Jeu 21 Jan 2016, 02:58

Il n’aimait pas les démonstrations de sentiments, il ne les avait jamais aimées. Durant le peu de temps qu’il avait pu passer avec Eryvia avant l’incident, il n’avait jamais été très démonstratif dans ses marques d’affection en public. Encore une fois, il était un peu mal à l’aise dans la situation actuelle. Il ne se sentait pas confortable devant toutes ces larmes versées et toutes ces tirades émotives. Lui aussi ressentait quelque chose, même s’il s’efforçait de réprimer la moindre réaction. Il se contenta de rester silencieux après ses paroles encourageantes, espérant que sa présence serait suffisante pour apporter un peu de réconfort à la demi-elfe.

Elle finit par essuyer ses larmes et prendre la parole. Il fut surpris de l’entendre parler de l’ordre, mais encore plus surpris qu’elle s’en distance autant. Bien sûr, son amnésie était problématique, mais il n’avait pas imaginé qu’elle puisse faire preuve d’autant de sang-froid dans cette situation. Elle avait raison, cependant. À cause de sa perte de mémoire, il faudrait lui apprendre une seconde fois tout ce qu’elle avait déjà appris. C’était une tâche colossale, et il ne savait pas s’il aurait lui-même la patience d’attendre Eryvia à Émeraude durant encore plusieurs années. Cependant, ce n’était pas tout, elle voulait aussi redécouvrir le monde, ce qui était une aventure probablement bien plus attrayante.

Le regard de Poen s’illumina à nouveau à cette proposition. Il devait admettre que Lyzann connaissait bien sa chevalière et que celle-ci était en effet une battante. Il cessa légèrement de prêter attention à la suite de ses propos lorsqu’elle dévia vers ses pouvoirs et s’adressa très particulièrement à sa chef, mais le métamorphe réfléchissait déjà aux possibilités qui s’offraient à lui. Les années au château avaient été pénibles, tant parce que sa bien-aimée était restée inconsciente que parce qu’il avait été confiné à un même endroit pendant si longtemps. Il avait envie, lui aussi, de voir du pays.

Comme si elle avait lu ses pensées, elle se retourna vers lui et lui demanda de la suivre dans cette quête légèrement insensée. Elle ne voulait pas se jeter seule dans cette aventure, mais il ne l’aurait pas laissé partir sans lui. Ils étaient liés, tous les deux, et c’était pour la vie. En croisant son regard, il remarqua que celui-ci avait perdu sa teinte dorée et qu’il était devenu bleu, presque gris. C’était étonnant et très troublant, mais il n’avait pas la moindre idée de l’origine de ce phénomène. Il y avait bien des choses qu’il ne savait pas à son propos, mais qu’elle non plus ne savait désormais plus. À présent, ils écriraient ensemble son histoire.

« Bien sûr que j’accepte. Je te ferai découvrir ce monde et t’en montrerai les moindres recoins. C’est un endroit qui regorge de secrets merveilleux, tu verras. Je pourrai t’enseigner à y vivre et à devenir celle que tu voudras être. Quant à l’aura… C’est une longue histoire qui peut attendre pour l’instant. »

Il avait été un peu plus chaleureux qu’il ne l’avait voulu, mais c’était la seule chose qu’on avait pu percevoir. Il sentait toujours ses sentiments être un véritable torrent, mais celui-ci était désormais sous-terrain. C’était étrange de se faire ainsi violence. Il se devrait, en temps voulu, d’explique à Eryvia ce que signifiait l’aura et n’avait aucune idée de ce qu’il lui dirait. Peut-être qu’il lui mentirait, ou peut-être qu’il serait honnête. Après tout, ce n’était pas toutes les âmes-sœurs qui étaient faites pour être en couple, d’autres personnes, ainsi que la situation actuelle, le prouvaient. Il lui adressa un sourire fatigué, puis s’intéressa à Lyzann.

« Je sais que c’est un peu tôt et précipité, mais cette décision me convient. Avec ton accord, l’accord de l’ordre, je serais prêt à partir avec Eryvia. Elle n’est plus vraiment une chevalière et je ne crois pas que cet avenir soit encore pour elle. Je crois que l’heure du départ n’a pas encore sonné, mais nous pourrions partir demain, à l’aube. »

Mieux vallait donner un peu d’autorité à Lyzann, au moins pour la forme. Elle perdait une ancienne apprentie, une chevalière, une sœur d’arme. Ce devait être un moment éprouvant et Poen, dans un élan d’empathie aussi soudain qu’inattendu, lui offrait d’avoir son mot à dire dans l’affaire.

Au lever du soleil, ils tourneraient le dos à de nombreuses années. Ce départ n’était pas trop tôt, au contraire. La route serait longue. Aussi longue qu’ils le voudraient.
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Dim 31 Jan 2016, 17:55
Lyzann relâcha son étreinte. Assise en tailleur devant Eryvia, elle regarda Poen se rapprocher d’elles, la démarche prête à combattre. Gonflé d’un sentiment noble, il déclara à son âme-sœur qu’il l’accompagnerait pour cette épreuve. Elle avait peut-être oublié tout de leur histoire, mais les dieux créaient les âme-sœurs suffisamment forts pour survivre aux souvenirs perdus. Le lien tendre entre eux ne pouvait céder. Il était d’origine divine que ce soit le divin provenant de leur religion ou de celle de Lyzann. Ils retrouveraient leur complicité d’antan. L’amour, par contre, pouvait ne jamais revenir avec autant de force. Aimer dépendait de qui l’on était. Et Eryvia devait réapprendre qui elle était. Pas dans le sens de ce qu’elle fut avant le grand noir, mais dans le sens de ce qui la composait maintenant. Retrouver ce qui la composait dans l’essentielle de son âme. En elle, des choses ne pouvaient changés. Ils étaient toujours les mêmes. Dans les yeux dorés de la jeune femme, la peur s’était amoindrie. Lyzann pouvait le voir. Elle réapprenait à se construire. C’était bien. C’était un début. Eryvia se releva en passa sa main sur sa joue. Elle essuya les larmes qui restaient au coin de ses yeux. Celles de Lyzann avaient glissés et la trace sur ses joues avait séchée. La chef se releva à son tour. Elle s’était laisser aller à des sentiments qu’elle gardait généralement confinés en elle. Cette faiblesse devait désormais s’effacer. Avant de quitter cette pièce, son masque de dirigeant devait avoir repris sa place. Ce qui s’était passé appartenait désormais au passé. Une faiblesse comme celle-ci ne devait pas se reproduire. Heureusement pour Lyzann, des écuyers, elle n’en avait pas eu des masses. Des liens personnels, elle n’en avait pas des tonnes. Elle se faisait prudente sur cela. Une leçon apprise à observer Lyra.

Eryvia lui fit part de ses pensées et Lyzann se contenta de l’écouter. Son raisonnement était plutôt surprenant pour quelqu’un qui venait à peine de se réveiller d’un sommeil de plusieurs années. Sans compter qu’elle semblait se mouvoir avec aisance malgré ses muscles immobiles depuis 7 ans. Elle avait raison. Cela prendrait du temps. Pas seulement lui réapprendre les notions théoriques, les règles et l’histoire, mais aussi à se battre. À réveiller son instinct et ses habitudes. Les valeurs de l’ordre étaient déjà en elle, quelque part. Cela prendrait un temps oui. Un temps peut-être nécessaire toutefois pour sa mémoire. Eryvia cherchait à retrouver les souvenirs oubliés malgré tout, mais elle ne le trouverait pas ailleurs qu’ici. Partir ne l’aiderait pas à retrouver ce qui avait été perdu. Lyzann aura aimé lui répliquer que rien ne serait compliquer, mais celle qui fut jadis son écuyère semblait partie dans un élan. La chevalière se contenta de la regarder silencieusement. Dans sa tête, elle devait se préparer à entendre les mots qui viendraient trop vite. Elle allait partir. Partir trouver qui elle était. Combien de fois lui avait-on dit cela? « Je dois partir, ma vie m’attend ailleurs… » Ces mots si durs pour la désertine à comprendre puisque pour elle, sa vie s’était toujours trouvée ici. Sa vie, mais aussi sa fin. C’était à Émeraude qu’elle trouverait la paix du sommeil éternelle. C’était ici dans ce château que tout ce qu’elle était se trouvait. Voyager ne lui apporterait rien. Elle ne ferait que fuir. Était-ce pour le mieux? Cela dépend d’une plus grande question. Eryvia voulait-elle vraiment savoir ce qui lui était arrivé? Voulait-elle savoir l’atrocité qui lui était arrivé en portant l’armure verte des chevaliers d’Émeraude? N’était-ce pas mieux pour elle de vivre dans l’ignorance et de recommencer une nouvelle vie ? Elle ne redeviendrait pas la Eryvia dont Poen était tombé amoureux il y a de cela plusieurs années, mais elle pouvait devenir celle dont il retomberait amoureux à nouveau. Une nouvelle Eryvia. sans les drames et les douleurs passées. Une Eryvia marquée dans sa chair de blessures qui ne lui parleraient plus. Des cicatrices sans valeur et sans histoire. De maigres années dans l’espérance de leur vie dont elle n’avait plus trace. De son coté, Poen se réjouissait que la jeune femme exprime son désir de s’évader d’ici. Il avait du se sentir prisonnier à entendre qu’elle revienne à elle. Ce n’était pas pour tout le monde de vivre de cette façon. Lyzann se protégea derrière un sourire triste. Une façade que ses yeux trahissaient volontairement. De toute manière, qui était-elle désormais dans cette chambre pour les empêcher de vivre heureux?


-Pardonne moi. Je ne peux comprendre, mais j’accepte ton départ s’il est ton souhait, Eryvia. Saches toutefois que parmi nous au château, vivra toujours une chevalière du nom d’Eryvia, blessée, mais vivante. Si un jour tu ressens l’envi de la rencontrer, si un jour tu es prête à renouveler avec ce que tu as perdus, elle t’attendra parmi les souvenirs des ans passés. Sens toi toujours la bienvenu ici. Mais pour l’instant, part vivre sans le poids des douleurs et des sacrifices. Recommence une vie lumineuse et agréable. Vis pour tes rêves, tes désirs et tes fantasmes. Je me chargerai des autres comme cela en est ma responsabilité.

Elle expira par le nez longuement pour se vider des sentiments personnels. C’était une page tournée désormais. Et la chef devait agir en chef. Eryvia était une chevalière. Et la chevalière exprimait son désir de partir à son chef. Les choses devaient être fais selon le protocole. Eryvia ne reviendrait probablement pas. Lyzann se redressa dans toute sa grandeur et se tourna formellement vers la jeune femme.

- Chevalier Eryvia, partez avec la bénédiction de votre chef, Lyzann d’Émeraude, Chef et Chevalière des Chevaliers d’Émeraude. Je ferai prévenir les cuisines et les écuries de votre départ prochain. Profiter des jours qui viennent pour vous préparer. Je passerai dans la soirée vous remettre les dues pour votre service militaire parmi nous. En échange, je reprendrai l’armure et l’épée offerte au moment où… vous avez été adoubé.

Ses mots s’étaient coincés dans sa gorge. Elle était passée si près de formuler des mots qui n’auraient eu de sens que pour elle. La douleur serait encore plus vive lorsqu’elle viendrait quérir l’armure que Lyzann avait elle-même cinglé autour de la poitrine d’Eryvia… au moment où son écuyère était devenue une femme. Voilà les mots qu’elle avait tués avant même de les prononcer. Avec une politesse presque froide,  Lyzann salua Eryvia puis Poen avant de se retourner vers la porte. Laisser partir Florent quelques ans plutôt n’avait pas fait si mal. Pourquoi Eryvia? Lyzann déposa sa main tremblante sur la poignée de métal et déclencha le mécanisme. Elle ferma la porte derrière elle. Le couloir était vide. Aucun chevalier, aucun domestique, aucune âme qui vive. Elle appuya silencieusement sa tête puis son corps contre la porte pour soupirer. Ses épaules se relâchèrent. Les larmes montaient en elle, mais ce n’était toujours pas le moment. Elle ravala les émotions qui cherchaient à faire surface comme elle en avait si souvent l’habitude. Elle quitta son appuie et s’engouffra dans les couloirs, tous semblables pour descendre aux cuisines. Affrontez la table de chevaliers au repas viendrait bien assez vite. Autant régler le plus de chose avant le repas.  
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Parandar
Lun 21 Nov 2016, 19:50
Bonjour !

Le RP est-il toujours d'actualité ? Sans réponse elle sera déplacée le 5 Décembre dans les Archives.
Parandar
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