Délit(ce) Adolescent [PV Edric]

Edric avait passé une journée des plus ennuyeuses. Réveillé très tôt, comme à son habitude, il s’était élancé dans les couloirs avec l’énergie qu’on lui connaissait. Connaissant désormais le château comme sa poche, il s’était dirigé vers les cuisines où il s’était pris quelque chose à grignoter. Il avait toujours un peu de temps avant de retrouver son maître, lorsqu’il se levait aussi tôt, et il aimait en profiter. La plupart du temps, il se contentait de se promener dans les couloirs et de converser avec les serviteurs et les autres occupants du château. Parfois, aussi, il aimait faire quelques plaisanteries et jouer quelques tours à de pauvres victimes innocentes qui se verraient être touchées de l’humour naïf et innocent de l’adolescent.

Après s’être attiré les légères réprimandes d’un garde désirant épargner les autres habitants du château de ses coups pendables, il s’était dirigé vers le hall. Là, il avait rejoint Charlie à la table et avait attendu que celui-ci finisse de manger, l’air toujours un peu ensommeillé. Il avait souri en voyant à quel point son écuyer pouvait déborder d’énergie, et ils s’en étaient allés pour s’entraîner. Contrairement à ce qu’Edric avait cru, ça n’avait pas été une journée de combat, d’équitation ou même simplement de magie. Non, aujourd’hui il devait étudier l’historique politique des royaumes côtiers. Il s’en était plaint mollement, mais Charlie lui avait assuré que c’était pour son bien et qu’un bon chevalier se devait d’être un redoutable érudit. Ainsi, vaincu, il s’était dans les livres plus ennuyants les uns que les autres.

C’était parfois intéressant, certes, mais le jeune garçon avait de l’énergie à dépenser, il voulait bouger et courir partout, frapper des mannequins ou s’élancer dans la pleine à dos de cheval. Être ainsi cloîtré dans la bibliothèque était bien trop barbant pour lui. Néanmoins, sous le regard bienveillant du chevalier aux cheveux blancs, il avait forcé de compléter ses lectures. Il était passé au travers de deux ouvrages et avait même eu le temps d’en entamer un autre, mais sa concentration l’avait depuis longtemps quitté. Après seulement quelques chapitres du premier tome, il rêvassait déjà de dragons en tournant machinalement les pages jaunies.

Quand il avait enfin été libéré de cette tâche à dormir debout, il avait lâché un cri de victoire, couvert sa bouche de ses mains en réalisant qu’il venait de déranger la plupart des utilisateurs de la bibliothèque, puis s’était esclaffé en se sauvant à toutes jambes. La journée était bien avancée et il avait décidé de s’en aller au hall pour voir s’il ne pourrait pas y trouver qui que ce soit avec qui discuter ou peut-être même sortir dans la cour pour s’entraîner un peu. Ce n’était pas tout à fait l’heure du repas, alors il aurait un peu de temps pour faire quelques activités.

En se dirigeant vers le hall des chevaliers, il tomba nez à nez devant l’une de ses camarades. Bien assez vite, il remarqua qu’il s’agissait de Nassa. Alors qu’il esquissait un sourire, content de la voir, elle s’excusa de ce petit incident, ce qui le fit encore plus sourire. Il avait toujours beaucoup aimé l’elfe, elle était l’une des élèves les plus turbulentes avec lui, à l’époque. Ensemble, ils avaient fait les quatre-cent coups. Il était nostalgique de cette époque et regrettait de ne plus avoir cette relation avec elle. Depuis le temps, ils avaient tous les deux grandit et étaient chargés de nouvelles responsabilités. Lui-même était bien plus mature qu’avant, même si ça ne semblait pas être le cas aux premiers abords. Charlie avait, grâce à quelques miracles de patience, avait réussi à lui inculquer un peu de maturité.

Tout comme ça avait été le cas pour son amie, cette rencontre impromptue et cette soudaine proximité permirent au jeune garçon de constater la jeune femme qu’elle était devenue. Sa chevelure brune sous laquelle pointaient les oreilles caractéristiques à sa race semblait étrangement soyeuse et encadrait son visage avec une grâce saisissante. Ce n’était plus l’enfant qu’il avait connu. Sournoisement, les années en avait fait une femme sans qu’il ne s’en rende compte. Sous sa tunique, il pouvait à présent constater la présence de hanches et de seins bien formés. Légèrement mal à l’aise de cette soudaine réalisation, il reporta son attention sur le visage de l’écuyère, mais le malaise n’en fut pas réglé pour autant. Le regard félin de son amie provoqua en lui une chaleur semblable à celle émanant de l’âtre du hall. Elle aussi semblait affectée par cette réunion impromptue et semblant déjà si intime. Cependant, elle tâcha de n’en faire rien paraître et se rapprocha en ornant son visage d’un sourire à l’effet dévastateur.

Il était vrai qu’elle n’était pas la seule à avoir changé radicalement. Lui aussi s’était métamorphosé. Sa petite voix criarde était devenue plus grave, une soudaine poussée de croissance lui avait permis de passer du stade de nain à celui d’être humain. Les entraînements martiaux lui avaient, au fil du temps, forgé une forte carrure et une musculature digne de son rang. Sur ses bras et ses mains, quelques cicatrices témoignaient de sa souvent trop grande témérité lorsqu’il maniait sa propre épée. Seul son regard n’avait pas changé. Le bleu de ses yeux brillait toujours de cette même détermination et de cette joie de vivre.

Elle joua un peu dans ses cheveux, légèrement embarrassée. Elle l’affectait lui aussi et il avait un peu de mal à réaliser ce qui se passait. Il ne s’était jamais vraiment intéressé aux filles, mais la faible distance entre eux et leur regard bloqué l’un dans l’autre lui donnait des papillons dans l’estomac. Il s’empressa de lui parler afin de meubler un peu cette rencontre.

« Ne t’en fais pas, je ne fais pas attention où je vais, moi non plus. On me le reproche souvent. »

Il se frotta un peu la nuque, cherchant quelque chose d’intéressant à dire. C’était bien la première fois que le garçon, d’habitude si bavard, était à court de mots.

« Je vais bien. L’entraînement avec Charlie est exigeant, mais je ne voudrais changer pour rien au monde ! L’équitation, la magie, le combat, la survie… Enfin, tu connais ça, je suppose que tu apprends tout ça avec Zäck, toi aussi ! Parfois j’ai du mal à croire qu’on soit si près de devenir des chevaliers, mais en même temps j’ai l’impression que c’est trop long… J’ai tellement hâte ! »

Galvanisé par son rêve de devenir chevalier, Edric retrouvait son caractère habituel. Cependant, plongé dans cette discussion avec l’elfe, il ne put bondir de joie ou se montrer trop enthousiaste. Il avait envie de rester près d’elle encore un peu. Conscient, grâce aux enseignements du chevalier hagard, de l’importance de son interlocutrice, il décida de s’enquérir de sa personne.

« Et toi, tout va bien ? J’ai l’impression que tu travailles plutôt fort, en ce moment. Je t’ai vu dans la cour, l’autre jour, alors que… Ah mais j’y pense, est-ce que tu te rendais quelque part ? Je ne veux pas te retarder, tu sais… Seulement… Si tu veux continuer cette discussion, on pourrait s’asseoir quelque part, qu’est-ce que tu en dis ? Il fait bon, près de l’âtre, on pourrait y être confortable. À moins que tu ne connaisses un meilleur endroit ? »

Son cœur à lui aussi, battait plus vite, mais c’était agréable. Il n’était pas indisposé par la présence de son amie, bien au contraire. Il avait envie de passer un peu de temps avec elle et ça semblait être l’occasion idéale. S’il la fixait trop longtemps, il avait l’impression qu’il finirait par devenir tout rouge ou que son cœur ferait un vacarme épouvantable. Seulement, il n’avait peur de rien et se priverait pas de ces sensations exquises qu’elle provoquait chez lui.

Il était heureux de la revoir et de pouvoir passer un peu de temps en sa compagnie. Ces derniers temps, il était plutôt seul, en général. Ce n’était pas vraiment au sens propre puisqu’il était constamment entouré des autres membres de l’ordre, mais il n’avait personne à qui se confier réellement. Ce genre de complicité lui manquait un peu, car elle était bien plus fréquente à l’époque où il avait été élève. Désormais, chacun de ses amis passait le plus clair de son temps avec son maître et ils ne pouvaient réellement se voir que lorsque leurs horaires correspondaient.

Edric adressa un regard complice à son amie lorsqu’elle lui avoua se souvenir des reproches qu’on leur avait faits. Ils avaient, tous les deux, terrorisé plus d’une personne dans ce château au cours de leurs années d’apprentissage. Ça n’avait rien de malicieux ou de bien méchant, mais c’était suffisant pour leur forger une solide réputation de petits monstres espiègles. Personne ne leur en avait jamais tenu rigueur, heureusement. Se faire quelques ennemis en se contentant de faire des nœuds dans leurs lacets ou en changeant le sucre pour du sel aurait été trop bête.

Il haussa un sourcil en l’entendant murmurer qu’il pourrait surpasser les attentes de son maître. Il n’y avait jamais trop songé et s’était surtout évertué à donner tout ce qu’il avait à l’entraînement. Il s’était fixé un objectif bien clair et il s’agissait de devenir chevalier. Pourtant, entendre Nassa lui dire qu’il pouvait exceller lui fit drôlement chaud au cœur. C’était une sensation réconfortante et agréable. Un compliment auquel il ne s’était pas attendu mais qui se montrait dévastateur. Il allait hésiter en répondant et s’enfarger dans ses mots, mais elle le sauva de cette légère humiliation en poursuivant.

Elle aussi, travaillait dur. Elle l’avouait, mais il l’avait aussi vue à l’œuvre. Il savait qu’elle ne mentait pas, bien que ce ne fût de toute façon pas son genre. Il admirait sa détermination à vouloir accomplir de grandes choses, mais songea à ses propres rêves. Il avait toujours voulu devenir un héros vêtu de vert, mais était-ce là son objectif ultime ? Il n’en savait trop rien, il n’avait pas réfléchi à ce qu’il pourrait faire après avoir obtenu le droit de revêtir la cuirasse de l’ordre.

Après qu’il lui ait demandé s’il la dérangeait, elle le rassura en lui affirmant que non. Elle se retourna en acceptant sa proposition et se dirigea vers l’âtre. Edric resta un instant sur place à contempler la jeune fille se déplacer. La scène avait quelque chose de curieusement attirant. Nassa se mouvait avec une finesse féminine rappelant la grâce d’un félin. Il laissa son regard errer sur les courbes qu’il avait timidement observées plus tôt. En avançant, ses hanches roulaient délicatement, rappelant plus la démarche d’une guerrière assurée que celle d’une aguicheuse. L’écuyer était choqué par cette vision qui provoquait chez lui des réactions qu’il n’aurait osé décrire malgré le courage inhumain qu’il possédait. Il secoua la tête afin de retrouver ses esprits et alla s’asseoir à ses côtés.

Les flammes projetaient sur son visage une leur chaude qui faisait briller ses yeux et semblaient embraser sa chevelure. Cette proximité qu’ils partageaient était légèrement embarrassante, mais elle permettait à Edric de plonger son regard dans celui de Nassa comme il n’avait jamais pu le faire auparavant. Il explora silencieusement ces yeux fendus d’une étrange pupille verticale en se demandant si elle ne tenait réellement pas de quelque félin. Peut-être avait-elle un ancêtre pardusse ?

Avec une hésitation fébrile, Edric posa sa main sur celle la brune. Tout d’abord, il sentit l’agréable toucher de la peau soyeuse sous ses doigts. Peu après, une apaisante chaleur lui fut transmise par ce contact, prenant naissance dans la paume de sa main, jusqu’à inonder tout son être. C’était simple, c’était bon et il était heureux. Il appréciait les sensations que lui procuraient ce contact et cette proximité. Sa nervosité se dissipa à mesure qu’il réalisa qu’il n’y avait pas de raison de lutter contre ce qu’il ressentait. Lentement, afin de la laisser comprendre ce qui était en train de se produire, il se rapprocha d’elle. Elle était si près… Il s’imprégna de son odeur; la fraiche fragrance d’un printemps fleuri. Il inclina légèrement la tête et déposa ses lèvres sur celles de Nassa.

La tension des dernières minutes n’était rien en comparaison avec cet instant. Pour Edric, pourtant, il n’y eut pas de puissante électrocution, ni quoi que ce soit du genre. Il embrassa ses lèvres légèrement tremblantes. Elles étaient chaudes, un peu humides et avaient un goût sucré. C’était enivrant et il ferma les yeux pour profiter de ce contact surréel. Sa tête tournait légèrement et il se sentit chaviré, emporté par ce contact si doux. Durant les secondes qui suivirent, il se contenta de se laisser emporter par ce contact exaltant. Un peu à contrecœur, mais aussi parce qu’il était curieux de voir la réaction de son amie, il mit fin au baiser et se recula légèrement. Avec les joues légèrement rosées et un sourire lui fendant le visage, il regarda Nassa d’un espiègle.

« Désolé, c'était plus fort que moi. »

Avec un air pareil, les excuses sonnaient un peu creux. Il ne semblait pas désolé le moins du monde, bien au contraire. Profitant du contact de leur main, il glissa affectueusement ses doigts entre ceux de sa sœur d’armes. S’il avait pu se montrer sérieux, voir presque solennel, durant leur baiser, il retrouvait désormais son caractère joueur. Ce qu’ils venaient de vivre le fascinait et il avait envie d’explorer cet étrange sentiment qui naissait entre eux. Il n’était sûr de rien et voulait vivre cette expérience avec elle. Elle était son amie depuis de nombreuses années et il lui faisait assez confiance pour lui exposer cette part de sa personnalité qu’il ne connaissait lui-même pas du tout.

« Je dois t’avouer que c’est la première fois que j’embrasse quelqu’un… C’est tout nouveau pour moi et, comme je te l’ai dit, j’ai simplement senti que c’était la chose à faire. Écoute, je sais que j’ai tendance à voir les choses de manière un peu naïve, mais je vois bien qu’il y a quelque chose entre toi et moi, et je sais que tu l’as remarqué aussi. »

Il n’avait pas peur, comme d’habitude. Il était curieux, tout simplement. Nassa lui plaisait et même s’il ne saurait pas le verbaliser, ça se ressentait. Vue la confiance qu’il lui portait déjà, avouer ses sentiments était relativement aisé.

« Nassa, peut-être que c’est trop précipité, mais j’ai envie de voir où tout cela va nous mener, je voudrais que tu m’accompagnes dans cette aventure. Même s’il n’y aura pas de livres interdits, de dragons ou d’héroïsme, je veux la vivre avec toi. J’aimerais apprendre à te connaître à nouveau. Qu’est-ce que tu en dis ? »

Son cœur battait plutôt vite, mais pas par nervosité. Il était à l’aise avec elle et ne serait pas blessé par un refus. Il n’y avait pas de honte à avoir et tout cela découlait de bonnes intentions. Ils ne seraient que deux, dans ce périple, mais c’était un périple qui valait définitivement la peine d’être vécu. Il lui adressa son sourire le plus honnête et innocent, un sourire qui voulait simplement dire « je suis heureux d’être avec toi ».

Bonjour !

Le RP est-il toujours d'actualité ? Sans réponse elle sera déplacée le 5 Décembre dans les Archives.