Maladresse et perturbation [PV Kolth et Charlotte]

HJ:

Elle aurait été incapable de déterminer si c’était le raclement de la chaise sur le sol ou le bruit du bouquin retombant sur la table qui avait fait le plus de bruit. Dans tous les cas, tout le monde avait redressé la tête. Certains étaient effrayés quant à savoir ce qu’il allait advenir de celui qui avait fait tout ce fracas alors que d’autres riaient sous cape. Quoiqu’il en soit, ils allaient devenir des frères et sœurs d’arme dans peu de temps et l’esprit de solidarité et cohésion faisait déjà son apparition. En effet, Kolth s’abstenait de la dénoncer et affichait un petit sourire qui plut immédiatement à Freja, dans le sens où cela montrait son caractère effronté. Un peu comme le sien. Même s’il était vrai qu’elle avait un don légèrement plus développé pour la lévitation, ce qu’elle aimait le plus c’était se battre ! Et il lui tardait d’avoir sa propre épée. Une belle arme forgée rien que pour elle et qu’elle n’utiliserait que pour massacrer des insectes ! Mais le moment n’était pas à la rêverie. En fait, elle ne remarquait déjà plus ce qu’il se passait autour d’elle. Le crayon volant pour atterrir sur la tête de son camarade passa donc totalement inaperçu à ses yeux.

Le cours terminé, elle avait rangé ses affaires avant de s’adresser à son voisin. En y réfléchissant, c’est vrai qu’il était étonnant qu’il soit encore là alors qu’il était toujours le premier à sortir. Même si elle ne le connaissait pas, elle avait remarqué les habitudes de chacun. Et Kolth semblait toujours vouloir s’enfuir de la salle de classe le plus rapidement possible. Mais, ne le côtoyant pas, elle n’avait aucune idée de où il pouvait bien aller. En réalité, Freja n’avait pas noué de véritable liens pour le moment avec quiconque. Elle discutait rapidement, jouait quelque fois, mais ça s’arrêtait là. Elle ne s’était jamais confiée à quelqu’un encore. De toute façon, elle aimait bien garder son petit jardin secret rien qu’à elle, où personne ne pouvait la déranger. Mais revenons-en où nous en étions. Saisissant sa tunique, elle l’avait un peu secoué avant de la relâcher et cela avait procuré au garçon un frisson qu’elle ne comprenait pas. Il devait être très sensible, ou surpris vu qu’il semblait chercher quelque chose, ce qui était la raison de son retard. Ne voyant rien dans les alentours, elle reporta toute son attention sur son interlocuteur. Les yeux noisette de Freja se mirent à étinceler dès ses premières paroles. Lui aussi n’aimait pas les livres ! Au moins, elle ne l’avait pas dérangé dans sa lecture et cela la rassurait quelque peu. En plus, il avait trouvé ça chouette. Son sourire s’agrandissait, enfin quelqu’un qui la comprenait sur ce point-là !

- C’est vrai que c’était long… J’ai cru mourir d’ennui. Mais j’ai pas fait exprès pour le livre.

Elle écarquilla soudainement les yeux, comme si elle trouvait cela stupéfiant de ne pas pouvoir avoir d’affinités avec la magie. Faire léviter des objets, elle ne maitrisait pas mais c’était en quelque sorte innée. Dès que son esprit errait un peu trop loin ça s’activait. Elle savait que tous ici avait un potentiel à exploiter, mais elle ignorait que certains mettaient plus de temps à le déceler et à le maitriser. Toujours est-il qu’elle écoutait attentivement ce qu’il lui disait, et Freja trouva ça amusant d’échanger des bribes de ce qu’elle savait contre ce qu’il savait. En plus, elle adorait se battre mais elle était un peu trop menue pour soulever des choses lourdes. Cela ne lui ferait pas de mal.

- Ouaaaais ! Je veux bien qu’on échange des trucs, ça sera rigolo ! Mais… Cours pas si vite attends !!!

En effet, à peine avait-elle fini de parler qu’il s’élançait hors de la pièce. Il avait apostrophé Charlotte, juste avant. Freja remarqua le regard que lui lança cette dernière avant de s’élancer hors de la pièce. Sans plus tarder, elle emboita le pas à sa camarade pour essayer de suivre le jeune Berseck dans la grande cour du château. Elle remarqua au passage qu’il avait jeté son vêtement mais ne s’en formalisa pas.

Bien vite, les trois jeunes gens se retrouvèrent à l’air libre. Levant les bras vers le ciel, Freja s’amusa à soulever quelques petits objets qui se trouvaient près de Kolth. Mais, ne maitrisant pas très bien ses pouvoirs, elle les fit atterrir en vrac autour d’eux. D’ailleurs, où étaient-ils ? Jetant un regard circulaire autour d’eux, elle remarqua l’herbe qui les entourait ainsi qu’un petit plan d’eau non loin. Elle n’était jamais venue jusqu’ici, et n’avait pas du tout fais attention au chemin emprunté. Tout ce qui l’intéressait était de suivre ses amis. Elle n’avait même pas conscience qu’ils avaient autant couru. Un éclat de rire lui échappa et elle s’exclama, dans un flot de paroles ininterrompues.

- Hé ! Pourquoi tu cours si vite ?? C’était pas une course ! Dis, tu me montres comment tu te bats ?? Pourquoi t’as plus ton t-shirt ? Et toi, c’est Charlotte non ? Kolth, Kolth, où on est ? Attendez, je vais être le professeur aujourd’hui alors… SILENCE ! On lit son livre et on dit rien !

Elle avait pris une intonation de voix grave pour imiter le précepteur, tout en déposant ses mains sur ses hanches. Ses pensées fusaient dans tous les sens, et c’était là l’un des défauts de la blondinette. Elle ne savait pas se concentrer suffisamment longtemps sur un point précis et larguait souvent plusieurs de ses interlocuteurs en cours de route.

Totalement absorbée par son discours portant sur un tas de sujets variés –allant des cours à la demande d’un combat- Freja ne fit pas du tout attention à sa camarade féminine qui s’était éloignée, se posant au pied d’un arbre. Elle ne savait pas que Charlotte possédait un caractère tout à fait différent du sien et que cela ferait sûrement leur force dans le futur. Deux visions différentes du monde, deux façons opposées d’aborder un problème. Mais, pour l’heure, elles étaient dans un endroit reculé, loin de l’environnement bruyant qui régnait à l’intérieur du château en compagnie de leur jeune ami, Kolth. Evidemment, Freja n’avait pas eu vent de l’aventure qui leur était arrivée quelques mois plus tôt. Non, et puis de toute façon elle n’arrivait pas à être assez proche des autres enfants pour ça. C’était bien la raison pour laquelle elle avait demandé la confirmation du prénom de l’autre fillette, bien qu’elle le connaissait intérieurement. Elle avait un peu peur de gaffer, et c’était bien quelque chose qu’elle ne s’avouerait jamais du haut de ses trois pommes.

Riant aux éclats suite aux imitations grotesques mais réalistes de son ami, elle écouta avec attention ses explications. Elle était un peu intriguée. A cet âge-là, même si on est destinés à devenir un chevalier dans quelques années, l’insouciance revient toujours nous assaillir et Freja trouva dès lors ce comportement parfaitement normal. En moins de cinq secondes elle avait décidé que Kolth était exactement comme elle, ou Charlotte, et qu’elle n’avait pas à la catégoriser. Pourtant toutes ses mimiques pouvaient démontrer le contraire, mais elle s’en fichait complètement ! Il était comme elle, avec ce trop-plein d’énergie à dépenser et elle s’amusa à essayer de le poursuivre lorsqu’il se mit à trottiner un peu partout. Sentait-elle le regard chargé de jalousie qui pesait sur elle ? Que nenni.

Le plus excitant était à venir. Le petit Berseck se jetait sur un arbre à pleine vitesse. Celui-ci était l’ennemi. Il se déplaçait très rapidement et enchainait les coups avec une précision très élevée pour son niveau d’apprentissage ! Freja, elle, ne pouvait pas faire ça. Pas encore, et peut-être jamais ! Les yeux ronds comme des soucoupes, elle ne bougeait plus alors que chaque fibre de son être lui aurait ordonné le contraire en temps normal. Elle était captivée par ce qu’elle voyait. Mais ça ne dura pas longtemps.

CRACK !

Ce fut un bruit de branches mortes qui craquent qui la ramenèrent à la réalité, la vraie. Celle où elle devait se mouvoir pour atteindre son but. Ce fut sans doute pour cette raison que Charlotte fut plus prompte à réagir qu’elle. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, elle avait libéré son pied de l’étau dans lequel il s’était retrouvé piégé. Comprenant que Kolth n’avait pas réellement été abattu, elle laissa échapper un petit rire avant d’attraper un bout de bois qui se trouvait sur le sol. Elle se mit à foncer vers le petit groupe de deux, tout en scandant.

- Allez chevaliers ! Kolth est à terre !! Attaquons les, ils vont nous encercler, nous ne devons pas les laisser faire !!!

Avoir fait tomber un arbre ? Elle n’y pensait pas. Ce n’était sûrement rien. Et puis, de toute façon, c’était l’ennemi. Ils ne pouvaient pas se laisser avoir ! Pensant à protéger ses amis, bien que le comportement de Charlotte lui paraisse beaucoup moins amusant, elle se mit à tourner autour d’eux en agitant son bout de bois.

- TIENS ! Prends ça, saleté ! Ne t’approche pas d’eux !!! CHARLOTTE !

Elle avait hurlé, tournant son faciès vers les deux enfants qu’elle dévisagea durant de brèves secondes avant de reporter son attention sur le combat. La blondinette intercepta alors un coup imaginaire qui aurait sûrement décapité Charlotte en deux, d’où la raison de son cri. Freja se mit à éponger son front, abaissant son bâton. Elle l’avait échappé belle, un peu plus et elle et Kolth perdaient leur sœur d’arme !

- Je crois qu’ils ont eu trop peur de nous, on a plus rien à craindre !

Et elle souriait de toutes ses dents, fière de ce qu’elle venait de faire alors que l’endroit était… Vide. Il n’y avait qu’eux et ce grand arbre qui venait de finir sa vie en tombant, en espérant que ce bruit n’a alerté personne.

HJ:

Freja virevoltait, fendant les airs avec son bout de bois. Ce jeu, puisqu’elle prenait ça de la sorte, improvisé était, à ses yeux, génial ! Elle pouvait se défouler sans craindre d’entendre quelqu’un la sermonner sur son comportement ou l’envoyer lire un de ces énormes bouquins sagement rangés dans les rayons de la bibliothèque. Ici, à cet instant, elle était libre de tous ses mouvements. Evidemment, vu de loin, ce n’était pas comme ça qu’elle allait réussir à tuer un véritable ennemi. Elle aurait pu se prendre des coups d’épée dans les côtés, les jambes, la nuque et agoniser sur le sol car elle ne pensait pas à se protéger. Mais il n’y avait que Kolth et Charlotte avec elle. Ils n’étaient pas vraiment en état, et dans la capacité, de la corriger promptement. Après avoir sauvée de justesse Charlotte d’un coup fatal, elle posa le plat de sa main sur son front pour éponger de la sueur invisible. La blonde ne remarqua donc pas le coup d’œil que se lancèrent ses deux camarades et qui témoignait d’une affection sincère entre eux deux. Tout ce qu’elle voyait, c’était la bagarre. Sauf qu’en terme de bagarre, elle allait être servie dans peu de temps.

En premier lieu, elle poussa de grands cris de joie avec son ami pour célébrer leur victoire. L’ennemi avait rebroussé chemin tandis que d’autres étaient au sol, morts. Libéré de l’emprise de l’arbre, Kolth ne semblait pas avoir subi des dégâts trop importants. Quelques égratignures qui ne l’empêchaient pas de marcher et c’était là l’essentiel. Charlotte et Freja n’auraient pas pu le porter à deux, peut-être avec les pouvoirs de lévitation que possédait cette dernière mais ce n’était pas sûr. De toute façon, la question ne se posait pas. Kolth gambadait jusqu’à un buisson avant de ressortir avec une longue épée. Ecarquillant les yeux de surprise, Freja pinça plusieurs fois la peau de son bras pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas. Ils avaient une épée ! Ils étaient de vrais chevaliers ! Ils allaient pouvoir terrasser tous les ennemis du monde.  « Un ver ? Elle fronça les sourcils, ayant vaguement entendu parler d’une histoire semblable sans être entrée dans les détails. Beurk, chevaliers, vous avez bien fais de le combattre et de sauver le château !! » Enfin, elle pensait qu’ils avaient sauvé le château. Mais bon, ils avaient tué un monstre alors c’était sûrement le cas.

Personne n’avait le temps d’ajouter quoique ce soit qu’une voix masculine se fit entendre près d’eux. « Ouais le petit, on a entendu cette histoire, on sait aussi que tu t’es retrouvé à l’infirmerie, t’es pas si top que ça et ton épée non plus! Tu devrais la donner aux plus grands, eux, ils savent s’en servir pour de vrai. Et puis vous aller faire quoi, nous battre? Deux petites filles et un petit… Ça en fait. Vous allez brailler? » Le sang de Freja ne fit qu’un tour mais elle n’avait pas le temps de réagir. Trop lente. Elle était trop lente. Etais-ce la peur qui la scotchait ? Non, elle n’avait peur de rien. L’adrénaline montait progressivement, s’emparant de chacune des fibres de son être. En plus, son ami avait déjà pris les devants et se faisait ruer de coups. Charlotte s’empressa d’intervenir. Elle se débrouillait bien ! Une vraie petite furie, rien ne pouvait plus l’arrêter. Leurs agresseurs étaient plus âgés, plus forts mais plus lents. Ce serait un avantage certain pour eux.

Elle jeta un coup d’œil à Kolth qui était bien abîmé et s’était lancé sur un des assaillants. Sans attendre, Freja décida plutôt d’aller aider Cha. Elle avait toujours son bout de bois dans les mains. « Tiens, prend ça ectoplasme ! » Et sans attendre elle donna un violent coup dans la mâchoire et vit deux dents tomber sur le sol. Pas le temps de s’en accommoder, voilà qu’on l’attrapait par la taille et qu’on la trainait sur le sol. Mince, il y en avait un autre. Jamais deux sans trois. Freja se débattait comme elle le pouvait, donnant des coups de poings et de pieds pour tenter d’atteindre le garçon qui rigolait en la voyant. « Ben dis donc, moins vigoureux qu’avant les mômes. On va vous donner une bonne leçon. »

La situation semblait désespérée et elle était trop concentrée sur le fait qu’elle était clouée au sol pour tenter de faire appel à ses pouvoirs. Elle aurait pu leur balancer une jetée de cailloux, mais elle aurait blessé ses compagnons. Mis à part la force brute, elle ne voyait pas comment s’en sortir s’ils avaient chacun un adversaire. Ils allaient devoir unir leur force, mais leur posture était bien trop mauvaise pour cela. La blondinette n'avait de toute façon plus qu'une idée en tête : rendre coup pour coup ce qu'on lui donnait pour se relever. Elle n'avait pas beaucoup de force mais c'est sa souplesse qui la sauva. Une roulade avant lui permis de glisser entre les jambes de l'autre et de se relever, quelques pas plus loin. Elle avait du sang partout sur le visage, ses bras étaient couverts de bleus et sa tunique déchirée par endroit et couverte de poussière. Qu'importe, elle était libre de foncer dans le tas.