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Chercher la clarté [Solo]

Invité
Mer 27 Juil 2016, 07:18

Elle avait toujours eu tout ce qu’elle désirait. Princesse d’Opale hyperactive, capricieuse surtout, véritable boule d’énergie, grondée, chouchoutée aussi, elle avait grandi dans une immense bulle de candeur. La misère, la pauvreté n’avaient jamais été pour elle que des concepts purement théoriques. Son caractère s’était bien sûr gorgé de cette superficialité qu’on lui inculquait ; mais son naturel emporté et sentimental l’avait empêchée de sombrer (complètement) dans l’égoïsme et l'amour déraisonné des richesses. Elle aimait les jolies choses, oui, plus qu’elle ne voulait bien le laisser croire. Mais son cœur avait aussi un besoin d’adrénaline constant, une soif de sensations fortes, d’émotions puissantes, irrationnelles. C’était ce qui faisait pulser son âme. Sans, Ellanore se fanait à petit feu.
Pensive, la rouquine s’appuyait sur le rebord de la balustrade. D’ici, elle avait une vue imprenable sur une partie des jardins en plus de distinguer, au loin, le magnifique paysage jadois s’étendant à perte de vue. Mais cette beauté ne trouvait pas son chemin jusqu'au cœur d'Ellanore. De même que les couleurs de l'astre solaire déchirant les cieux retombaient sur elle fades, dépourvues de leur saveur habituelle.

- Votre Altesse ? Puis-je vous être utile ?

La servante qui s’était avancée à pas de velours de la souveraine était une habituée de la rouquine. Peut-être avait-elle une empathie particulière qui lui permettait de déceler le trouble d’Ellanore. Qu’importait, cette dernière ne considérerait jamais une servante comme une confidente. Le principe de hiérarchie régissant les relations entre personnes, qu’il soit tacite ou tout bonnement officiel, on le lui avait martelé toute son enfance. Il importait peu à l’Opaloise que l’on puisse voir de la froideur ou du dédain dans cette bête application de ses leçons d’autrefois.

- Demande à ce que l'on fasse couler un bain. Mais... La jeune femme marqua une pause. Sans huiles, sans parfums. Juste de l'eau. Brûlante.

- Ce sera fait, votre Altesse.

Évidemment que ce n’était pas dans les habitudes d’Ellanore de se priver de la luxuriante collection d’essences et d’onguents qui fleurissait dans les salles de bain royales. Mais on ne discutait pas les désirs d'une reine. Alors la jeune jadoise esquissa une révérence et s'évanouit dans le palais, ombre svelte sur les murs de bois ouvragé.
Ellanore était seule. Comme d'habitude. Seule face à Jade.

***

- Votre bain est prêt, Altesse...
Hochant la tête avec approbation, Ellanore congédia rapidement la demoiselle. La rouquine eut un dernier regard insondable en direction de l’étendue crépusculaire qui s’étendait paresseusement au-dessus du palais. Puis elle disparut à son tour dans les corridors menant à la salle des bains.
Et les personnes qu'elle croisait n'avaient pas de visage, qu'une figure grise sur des silhouettes achromiques qui se ressemblaient toutes.

*

A peine entra-t-elle dans la pièce qu'une bouffée de chaleur parvint à son visage. Humant cet air brûlant avec délice, Ellanore constata qu'on avait laissé le plateau regorgeant de fioles d'huiles parfumées à sa portée. Mais la rouquine ne reviendrait pas sur son choix. Elle avait juste besoin d'un grand bain. Elle tenait à se suffire de la vapeur moite qui se dégageait de l'onde bienfaisante, elle pourtant accoutumée aux effluves enivrantes des parfums qu'on lui concoctait avec soin. Cette envie d’eau chaude brute était une envie sur laquelle elle ne pouvait mettre de mot, elle… Elle voulait quelque chose de simple, de pur.
Ellanore posa les vêtements qui venaient de quitter son corps sur la petite table prévue à cet effet. Puis, d'un geste habile, elle tira sur le ruban qui maintenait ses cheveux en un chignon, laissant ses boucles rousses se délier sur ses épaules en une cascade de flammes aux ondulations orangées. Son regard se posa ensuite sur le bassin qui semblait l’attendre. Mais elle n'entra pas dans l'eau. Pas tout de suite.
Au lieu de cela, elle fit quelques pas vers l'une des glaces démesurées qui tapissaient les murs de l'endroit, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres de son refflet. Étrange. Elle avait l'impression de ne pas s'être vue dans un miroir depuis des lustres. Son visage était-il toujours le même ? Hagarde, elle détaillait ses traits comme elle aurait détaillé ceux d'une étrangère, avec une prudente minutie. La lueur ténue d'une bougie vacilla.
Pâle, elle l'avait toujours été. Pas blanche, mais pâle, laiteuse, tissée d’une mélanine à peine carnée. C'était le teint des princesses, qu'on lui disait souvent, il y a... Longtemps. Ses joues, ses joues lui semblaient creuses. Elle les tâta. Puis elle se fit une curieuse réflexion ; elle avait des lèvres d'enfant. Fines, rosées. Nullement pulpeuses, mais dessinées. Cette pensée lui fit inévitablement remonter les yeux, jusqu'à ce que la rouquine croise son propre regard. Quels étranges iris elle avait, et quel étrange jeu de race et de génétique avait coloré ses prunelles de cette teinte d'amaryllis perlée d'ambre. Vraiment, c'était singulier que ce regard insolite ourlé de cils bruns. Ces cils-là n'avaient rien de féminin, elle se l'était toujours dit. Ils étaient courts, raides. Ce qui, à son souvenir, n'avait pas été le cas dans son enfance, bien au contraire. Les jadoises disaient qu'elle devrait manger plus de leurs plats traditionnels, car toutes les jadoises avaient de beaux et longs cils. Ellanore ne s'en était guère formalisée, après tout, son visage n'était pas si désagréable à regarder outre ce détail... N'est-ce pas. Elle laissait machinalement les jadoises lui appliquer tous ces produits végétaux aux vertus miraculeuses, telle une poupée, de celles qu’elle habillait de dentelles couteuses dans son enfance. Ç’avait le mérite de l'occuper.
Ellanore recula d'un pas. Elle eut un faible sourire, une oscillation imperceptible des lèvres en posant ses yeux sur sa chevelure. Cette tignasse rousse avait toujours été une part importante de son identité. La représentation de son caractère, de ce qu'elle était au plus profond de son âme flamboyante elle aussi. Et évidemment, une éternelle source de curiosité dans ce pays comme dans certains autres où les rousses natives se comptaient sur les doigts d’une main. Ellanore attrapa une mèche entre ses doigts, et alors qu'elle faisait entendre à son oreille ce froufrou de soie précieuse que font les cheveux fins, elle songeait. Ses cheveux se faisaient décidément beaucoup trop longs, et pourtant, elle rechignait à s'amputer d'une partie de ses boucles avec une obstination peu élégante. Elle regarda ses mains, et se dit qu’elle les aimait bien. Elle se trouvait d’assez longs doigts, fins et graciles.
Elle recula encore, cette fois de sorte à avoir une vue sur l'ensemble de son corps. Avait-elle maigri ? Oui, sûrement. Elle n'avait aucun souvenir de cette silhouette brisée, infiniment cassable. Fragile, un peu menue, elle l'avait été dès que les rondeurs d'enfance l'avaient quittée, mais aussi vulnérable ? Sa taille était beaucoup plus étroite qu'auparavant, et lorsqu'elle levait les bras, elle pouvait trop nettement distinguer la multitude de côtes qui transparaissaient sous son épiderme froid. Aussi, ses jambes s'étaient faites plus grêles, ses articulations, curieusement osseuses. C’était toute une accumulation de détails qu’elle ne pouvait que constater, le regard absent. Elle n'était pas encore une carcasse, et pourtant il lui semblait être à mille lieues de la jolie adolescente qu'elle avait été il n'y a pas si longtemps que cela. Elle n'avait rien d'une reine. Son reflet était celui d'une enfant maigrelette et craintive. Cette sentence retomba lourdement sur l'Opaloise, un poids de vérité, la massue de l’évidence qui se dressait devant elle ; et il sembla à Ellanore que quelque chose fléchissait en elle, sans qu’elle pût mettre un mot sur l’origine de cette indéfinissable fêlure de son être.
Elle n'avait même plus le sentiment d'être une femme, si tant est qu'elle l'ait eu un jour. Sa silhouette, oui, sa silhouette était découpée à l'image de celles que les Dieux avaient voulues porteuses de la vie. Mais avec ces hanches étroites, quelle vie allait bien pouvoir survivre en son sein ? Ellanore frissonna.
Il faisait sombre.

La jeune femme s’arracha à cette douloureuse contemplation avec un soupir empreint de lassitude. D’incompréhension, aussi.
S’avançant vers le bassin quasi-fumant, elle s’y introduit sans hésitation. Quelques secondes passèrent, le temps qu’elle s’habitue à la vive chaleur de l’onde aqueuse, et puis elle eut un souffle d’aise. La caresse brûlante de l’eau irradiait ses muscles avec force, par salves d’une ardeur revigorante. Ellanore mouilla son visage, ses cheveux aussi, et elle se laissa aller à cette sensation de plénitude qu’elle n’avait pas expérimentée depuis si longtemps.
C’était étrange de ne penser à rien. Ni au royaume, ni à ses proches, ni au passé.
La lumière ne revenait pas. Mais peut-être que la noirceur s'estompait un peu, comme frottée d'une main hésitante.

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Invité
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Parandar
Lun 21 Nov 2016, 21:27

Bonjour !

Le RP est-il toujours d'actualité ? Sans réponse elle sera déplacée le 5 Décembre dans les Archives.
Parandar
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Parandar
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