Une rencontre qui change tout [PV Sorah et Uthred] Flashback

an 1569 - mois 4

Accompagné de son écuyère, bien plus proche de devenir Chevalière qu’autre chose, Uthred était retourné sur le continent pour gérer un problème capital. Son domaine avait été attaqué par des bandits, des voleurs entrainés et organisés qui était venus lui voler ses meilleurs étalons, ainsi qu’un nombre incalculable de bouteilles de sa dernière cuvée, lui laissant à peine de quoi approvisionner les auberges du village ou celles de Pikay. Et tout cela ne plaisait guère au chevalier, qui avait passé la longue traversée maritime silencieux, le visage sévère et l’esprit bouillant d’un nombre gigantesque de choses qu’il ferait à ses voleurs lorsqu’il allait les retrouver. Car c’était bien ce qu’il comptait faire. Et il pourrait compter sur son écuyère pour cela, qui possédait un pouvoir bien à elle, consistant en un pouvoir de localisation. Pouvoir plus efficace encore lorsque la personne recherchée avait oublié sur son lieu du crime, un objet lui appartenant. Chose qui était le cas, et qu’avait constaté Uthred avec un large sourire. Ces voleurs n’allaient guère s’en sortir, et puis que le chevalier en avait le pouvoir, il les enverrait aussitôt dans les merveilleuses geôles de la capitale de l’empire, histoire de leur apprendre que l’on ne touche pas aux terres sacrées d’un propriétaire terrien chevalier.

Et, deux jours après leur arrivé, le chevalier et son écuyer passaient dans les rues d’un petit village, un homme attaché derrière eux, obligé de marcher dans la poussière que faisait le cheval d’Uthred à chacun de ses pas. Attaché derrière le cheval de son écuyère, trois étalons, nerveux mais sage. Derrière eux, en fin de cortège, l’homme qui se chargeait du domaine d’Uthred, était assis sur le devant d’une cariole, et guidait une mule bruyante. Dans la charrette, les bouteilles volées. Certaines avaient été bu, mais l’action rapide du chevalier d’Irianeth n’avait pas laissé le temps aux voleurs de faire plus de dégâts. Ceux-ci étaient donc minime, et trois jours après son arrivé, Uthred avait retrouvé un petit air plus sympathique, et à travers cette petite mise en scène, montrait à tous ce qui se passait lorsqu’on s’approchait trop de ses affaires.

Fier et droit sur sa monture, Uthred avançait lorsque la voix de son écuyère s’éleva. « Maître. » dit-elle, avant de montrer d’un signe de tête une ruelle sur le côté, perpendiculaire à la rue qu’il traversait. Uthred s’arrêta. Il y avait une bande d’enfants, sans supervision. Le chevalier n’eut pas besoin d’imagination pour savoir ce qu’il se tramait par ici. Il descendit de chevalier. Décrocha son prisonnier pour le confier à son écuyère. « Rentre au manoir, assure-toi que tout retourne à sa place. Enferme-le ou attache, peu m’importe, tant qu’il prend le prochain bateau avec nous pour rentrer à Pikay. » ordonna-t-il, en parlant de l’homme en question, le responsable de tout cela. Celui qu’il avait réussi à attraper. Les autres n’étaient que des froussards, des suiveurs qu’il n’était pas près de revoir. Il laissa la petite procession avancer, et se retrouva seul avec sa monture qui, sans avoir besoin d’être tenue, le suivi docilement vers la petite ruelle ou il se dirigeait. Alerte et curieux, il remarqua bien vite qu’une jeune fille semblait mener la danse. Un garçon, dans son âge et lui ressemblant – un frère surement ! – prenait les paris dans son coin, profitant de la naïveté enfantine des enfants des rues. Uthred observa la scène de loin quelques minutes, avant que le dernier adversaire de la jeune demoiselle ne morde la poussière.

Il s’avança ensuite, et s’arrêta devant le groupe d’enfant. Certains le regardaient avec de grands yeux effrayés, d’autres l’admiraient. Il fallait dire qu’Uthred portait son armure en cuire rouge, doublé aux épaules. De son dos, dépassait les pommeaux décorés de ces épées de combat. Arrivé au niveau des enfants, donc certains étaient déjà partis, il croisa les bras et regarda à tour de rôle la guerrière et le teneur de pari. « Des paris illégaux ? » demanda-t-il, dardant un regard sévère sur les deux jeunes. Les autres, qui visiblement ne se sentaient guère concerné, décampèrent tous. « Vous êtes bien jeunes pour faire ce genre de choses. » lâcha-t-il, jugeant les deux adolescents de la tête aux pieds. Evidemment, il n’y avait pas d’âge pour prendre sa vie en main, mais Uthred ne comptait pas le leur dire. Il était curieux de voir ce qu’ils allaient faire, ce qu’ils allaient répondre. « Quelque chose à dire pour votre défense, peut-être ? » demanda-t-il. « Voyez-vous, je ne pourrais pas vous laisser partir comme ça. » avoua-t-il, en posant ses mains de guerrier sur ses hanches. Son regard resta un instant posé sur la demoiselle. Sa robe et ses cheveux étaient dans un salle état, mais la qualité de l’étoffe trahissait son appartenance à la haute strate de la société. Il y avait quelque chose de particulier chez ces deux gamins, Uthred pouvait en jurer, mais il resta là, silencieux, curieux de savoir ce qu’ils allaient lui répondre.

Uthred observa avec une grande curiosité les deux jeunes personnes qu’il avait en face de lui. Les deux seuls à ne pas s’être enfuis à son arrivée. Le chevalier pouvait certainement impressionner, ne serait-ce que les deux épées accrochées dans son dos, mais de là à faire déguerpir tout un troupeau de gamin des rues ? Pour avoir fait partie de ce genre de groupe dans durant ces plus jeunes années, le cinquantenaire savait que la peur des gamins laissait d’ordinaire la place à une curiosité dévorante. Comme cette petite, d’ailleurs, qui avait déclarer ne rien faire de mal, avant de s’approcher, calme et obnubilé par les deux lames du chevalier. Un léger sourire étira les lèvres du soldat. Voilà plutôt l’effet qu’il espérait provoquer chez les jeunes. La curiosité, l’envie de découvrir, d’en savoir plus. Il n’était pas question d’admiration, l’égo d’Uthred était bien moins développé que celui de beaucoup de frère et sœur d’arme, il n’avait pas besoin de l’entretenir constamment. Non, l’homme voyait plutôt le potentiel de chaque enfant, chaque âme. Voilà d’ailleurs pourquoi il donnait régulièrement des cours aux plus jeunes et à ceux étant intéressés. Celui lui permettait de connaitre davantage les recrues et les futurs chevaliers de demain.

L’attention du soldat se porta ensuite sur le jeune homme qui, au vu de son accoutrement encore impeccable, ne devait pas avoir pris part aux combats. Uthred écouta alors les mots du jeune homme avec attention. Il était agréablement surpris de constater l’éloquence que possédait l’adolescent, et nota aussi son courage. Remettre un chevalier à sa place pour son manque de politesse, le Perlois n’avait encore jamais vu cela. Loin de s’en offusqué, cependant, il adopta une position plus relâchée tout en restant au même endroit. Il pouvait sentir le souffle chaud de son cheval derrière lui et resta complètement concentré sur les deux adolescents. Frère et sœur, donc. Le chevalier laissa le prénommé Sorah terminer avant de lui-même prendre la parole, coupant les deux frères et sœurs dans leur élan. « Voyons, ne me quittez pas tout de suite. » dit-il, toujours immobile. « Je suis Uthred de Perle, Chevalier d’Irianeth, au service de sa Majesté. » annonça-t-il, se présentant aux deux jeunes comme s’ils étaient de haut nobles. Après tout, au vu de leurs vêtements, ils n’en étaient pas très loin.
Il resta un instant silencieux, jaugeant les deux adolescents avant de reprendre. « Je comprends très bien ce que tu vois, Sorah Hisel. » commença-t-il. « Mais, vois-tu, j’ai déjà été à cette place aussi, dans ma jeunesse. Il y a souvent bien plus aux choses que ce qu’on peut laisser voir. » continua-t-il, en faisant un pas en avant. « Je sais aussi de quoi sont capables les enfants que vous êtes, et tu devrais éviter de prendre les adultes pour des êtres naïfs incapables de voir ce qu’ils ont en face d’eux. » termina-t-il, remettant, il l’espérait bien, l’adolescent à sa place. Uthred n’était pas né de la dernière pluie, il avait lui aussi participer à ce genre de petit rassemblement dans son propre village. Quand on est jeune, qu’est-ce qu’on a de mieux à faire, de toute façon ? Pas grand-chose. Et il avait été le premier à s’engager dans quelques bagarres pour lesquelles des paris avaient été mis en place. Comme l’avait si souvent dit son premier maître : Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Et puisqu’il était maintenant du côté vieux singe, Uthred savait de quoi il parlait.

Après cette remise au clair, il ajouta. « Je ne suis pas de la garde, ce n’est pas à moi de gérer ce genre de chose. » expliqua-t-il, avant de porter son attention sur Shylinn, qui ne disait pas grand-chose. Laissait-elle parler son frère par choix, ou ce jeune homme si intelligent se servait-il simplement d’elle ? « Je t’ai vu combattre, petite. » dit-il, avant de remarquer ce bleu qu’elle avait sur la joue. N’était pas certain de la réaction de la jeune femme s’il approchait sa main pour la soigner, il n’en fit rien. « Où as-tu appris à te battre ? » demanda-t-il, curieux d’entendre la réponse. Elle manquait très certainement de technique et de bases, mais avait une fougue et une énergie qui lui permettait de compenser ces lacunes. Pour essayer de montrer sa bonne fois, Uthred leva sa main et attrapa le pommeau d’une de ces épées, qu’il dégaina. Il posa le bout de sa lame dans son autre main, et la présenta à Shylinn. « Cette épée s’appelle Enda. Cela signifie cœur, en elfique. Tu peux la tenir, si tu le souhaite. » proposa-t-il. Uthred était un diplomate, et s’il avait remis en place Sorah quelques minutes plus tôt, il n’était pas venu ici pour leur casser les pieds. Il avait bien d’autres choses à faire. Et cette épée, qu’il présentait à la jeune femme lui était cher. Elle lui avait été offerte par son épouse, voilà ce qu’il semblait être une éternité, et ne l’avais jamais quitté. Sa jumelle, encore à l’abri dans son fourreau était plus récente et son nom, Firië, signifiant mort, traduisait toute son efficacité.